Résister : Lettres de la Tour de Constance
de Marie Durand

critiqué par Cyclo, le 17 avril 2020
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
une résistante
J’ai trouvé dans ma bibliothèque quelques livres non encore lus et qui traitent d’un confinement particulier.

Ainsi j'avais acheté en 2018 lors du colloque Femmes et résistances à Aigues-Mortes (pour le deux-cent cinquantenaire de la libération de Marie Durand) le livre des lettres de captivité de Marie Durand pendant les 38 années (1730 à 1768) de sa réclusion dans la Tour de Constance à Aigues-Mortes pour refus de se convertir au catholicisme, "Résister : lettres de la Tour de Constance" (Éd. Ampélos, 2018). La révocation de l'édit de Nantes en 1685 (la même année que la légalisation de l'esclavage par le "Code noir", quelle troublante coïncidence) avait entraîné une persécution répressive d'une férocité extraordinaire : conversions forcées, viols et violences policières et guerrières (dragonnades), condamnations à mort ou à la prison, aux galères, etc.

Rassemblées par Céline Borello, les lettres de Marie Durand furent écrites à de multiples correspondants, sa nièce notamment dont le père pasteur périt sur l'échafaud et la mère en prison, des amis protestants comme elle, ainsi le pasteur Paul Rabaut ou des relations coreligionnaires pouvant apporter de l’aide aux prisonnières, dans l’enfer qu’elles ont vécu. Elle prend des nouvelles des uns, essaie d'aider spirituellement sa nièce orpheline, demande une aide financière ou spirituelle aux autres (notamment aux églises du "Refuge", des protestants français émigrés à Amsterdam), et milite toujours ardemment pour être libérée (jusqu’à écrire à Mme de Pompadour, favorite du Roi) en espérant pouvoir bénéficier de la liberté de conscience. Dans cette prison pour femmes protestantes, tandis que les hommes étaient exécutés ou envoyés aux galères, les prisonnières n’ont jamais douté de leur innocence et gardé leur foi malgré les conditions extrêmement dures de leur captivité, dans la saleté, le froid, la promiscuité, la faim, les maladies.

Un très beau livre, venant d'une âme forte, comme aurait dit Giono. A compléter par les romans d'André Chamson sur les persécutions religieuses du XVIIIème siècle: "La Superbe" (sur les galériens) et "La Tour de Constance".