Le promeneur d'Alep
de Niroz Malek

critiqué par Darius, le 15 mars 2020
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Alep sous les bombes
Niroz Malek vit en Syrie. Il n’a pas envie de quitter son pays malgré les bombes et les arrestations arbitraires car il aime Alep, sa ville. Alors, il écrit des nouvelles. En ces temps de coronavirus, où nous sommes confinés la maison, c’est le livre idéal pour savoir comment vivre sans sortir de chez soi, ou alors le moins possible.

J’ai choisi de vous narrer une de ses nouvelles, elles sont toutes très courtes, 1 à 2 pages.

« Ce matin, en me réveillant, je n’ai pas trouvé ma femme à la maison. Je me suis dit : elle est allée chez une de ses voisines pour boire un café et palabrer sur notre quotidien devenu si pénible. Puis je me suis rappelé que parfois, elle allait au marché pour acheter des fruits et des légumes. Et je me suis dit aussi : elle est probablement allée rendre visite à sa sœur ou à l‘un de ses frères.

Je l’avais prévenue de ne pas rentrer tard, car malgré les innombrables barrages, les rues ne sont pas sûres. Avec un brin de colère, je l’avais aussi avertie de ne pas bavarder du quotidien des gens devant n’importe qui.

Je reviens sur mes pas dans la salle de séjour. Je m’installe dans mon coin et me souviens de l’histoire d’un auteur italien. En résumé, deux époux vivent seuls. Le mari a un passe-temps, il aime enregistrer des morceaux de musique. Quant à sa femme, elle n’arrête pas de se déplacer dans l’appartement et ses talons font un grand bruit. Le mari s’énerve et lui demande de changer de chaussures car le bruit des talons s’immisce dans les recoins de la musique enregistrée. Après le décès de l’épouse, resté seul et broyant ses souvenirs, le mari écoute les morceaux enregistrés dans l’espoir d’y entendre le bruit des pas de son épouse.

Je m’installe dans mon coin et regarde là où ma femme avait le sien. Je fixe le vide qu’elle a laissé derrière elle, un vide que personne ne comble, que personne n’occupe, un vide qui attend, comme moi, qu’elle sorte de prison et qu’elle revienne dans son coin pour que nous reparlions sans relâche et sans nous ennuyer de ce que le pays est devenu et du quotidien des gens. »

Voilà, un aperçu d’une de ses courtes nouvelles qui vous donnera peut-être l’envie d’en lire d’autres.