Les Vermeilles
de Camille Jourdy

critiqué par Blue Boy, le 23 février 2020
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Un certain apprentissage de la liberté pour la jeunesse
Lors d’un pique-nique en forêt, la petite Jo, échappant à la surveillance de ses parents, va ouvrir une porte spatio-temporelle, ce qui la conduira au « pays des Vermeilles ». Dans ce pays imaginaire, le petit peuple bigarré de la forêt va devoir s’unir contre la tyrannie de l’odieux empereur Matou, reclus dans son château de pacotille, qui emprisonne tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui et collectionne les vermeilles, de magnifiques chevaux sauvages aux mille couleurs… Décidée à libérer ses amis des geôles du tyran, Jo va se voir entraînée dans une aventure extraordinaire où mille dangers l’attendent…

Avant tout illustratrice de livres jeunesse, Camille Jourdy avait fait une incursion remarquée dans la BD avec plusieurs récompenses en 2009 pour « Rosalie Blum », un ouvrage adapté depuis au cinéma. Cette fois, elle revient avec une quatrième BD, qui à peine sortie, se voit déjà couronnée par une Pépite au Salon du livre jeunesse de Montreuil.

Camille Jourdy, c’est d’abord un univers. Un univers en phase totale avec le monde de l’enfance, un monde un peu loufoque, rafraîchissant et plein d’humour, où l’imagination est le maître mot, avec de nombreuses circonvolutions scénaristiques qui progressent tel un tourbillon mû par l’énergie de l’âge tendre. Et le minimalisme du trait enfantin appliqué aux personnages, loin d’être une gêne, laissera au contraire à chacun la liberté d’adapter à son propre imaginaire l’univers incroyablement riche de l’autrice. On est par ailleurs bluffé par les planches « grand-angle » très variées, superbement mises en couleur, que permet la curiosité insatiable de la petite Jo, qui, telle une Alice des temps modernes, « ne tient pas en place » au grand dam de ses parents et ne pense qu’à explorer le monde…

Les vermeilles en question, ce sont des créatures hybrides entre le cheval sauvage et la licorne, qui ont la particularité d’être de couleurs différentes. À cet égard, on est infiniment reconnaissant à Camille Jourdy de n’avoir pas réutilisé la désormais trop classique licorne, qui, de chimère féérique rare autrefois, s’est transformée aujourd’hui une vulgaire poupée de plastoc présente dans toutes les chambres de fillettes, grâce aux lois du merchandising mièvre et aux dents longues. Et ce sont ces chevaux colorés qui vont, sous la houlette de la jeune héroïne, renverser de son trône l’odieux et cruel empereur Matou qui exigeait que le monde soit à son image en traitant ses sujets comme de vulgaires pions. Et aussi rapidement qu’un château de cartes pourrait s’écrouler, le roi d’opérette finira nu… En lisant entre les lignes, on peut en déduire aisément que l’autrice, en plus des petits messages disséminés ça et là, notamment sur la perte de l’innocence, revendique l’imagination contre le totalitarisme sous toutes ses formes. C’est cette métaphore puissante qui achève de faire des « Vermeilles » un livre jeunesse au ton moderne, hautement recommandable à tous les enfants, et qui plaira sans doute à leurs parents estimant peut-être avoir grandi trop vite…