L'imitation du bonheur
de Urbano Tavares Rodrigues

critiqué par Sahkti, le 21 juillet 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Identités portugaises
Trois nouvelles assez longues tournant autour du même thème : le Portugal de Salazar, la misère humaine et le sursaut de fierté que les Portugais n'arrivent pas à organiser.
Avec un fil conducteur dans les trois nouvelles : un voyage effectué par deux Françaises insupportables qui ont un avis sur tout et surtout sur la mentalité portugaise, sur ces gens qu'elles considèrent comme primitifs, rustres, sans intelligence ni éducation. Elles ne se privent pas de le dire, haut et fort, de la manière la plus grossière qui soit.

Dans la première nouvelle, elles ont acheté les services d'un chauffeur de taxi qui leur sert, outre de chauffeur, d'homme à tout faire, d'amant occasionnel, de souffre-douleur et de bon à rien. Un homme qui vendrait son âme contre quelques billets mais il le sait et en souffre.
La seconde nouvelle raconte l'existence malheureuse des femmes de chambre et autre bonnes dans l'hôtel où sont descendues les deux pimbêches.
Le dernier récit, quant à lui, parle du fiancé potentiel d'une des deux dames, un portugais justement, considéré à tort comme riche et éduqué, et qui n'est en réalité qu'un gigolo de premier ordre bien content de pouvoir escroquer les belles. Sur ce point, malgré le fait que les deux touristes m'ont agacée à chaque page, je n'ai tout de même pas réussi à éprouver le moindre sentiment d'attachement ou de compassion pour ce voleur organisé qui rêve de dot et de belle vie au détriment d'une femme amoureuse.

Un récit sombre qui raconte de manière brute et très réaliste la misère d'un peuple soumis à la dictature. Misère financière et sociale bien sûr, mais surtout identitaire. Urbano Tavares Rodrigues, dont le livre a été censuré à sa sortie (et on comprend pourquoi, c'est la désillusion totale qui est ici narrée), explore avec beaucoup de brio les âmes désenchantées de ses compatriotes qui ont pris l'option de se résigner. A méditer quand on pense que Salazar et la misère portugaise, ce n'est pas si éloigné que cela. L'Europe a beau se proclamer démocratique, il existe tout de même dans plusieurs de ses nations des contrées pour lesquelles ce terme n'a pris un véritable sens que très récemment.