Les déracinés
de Catherine Bardon

critiqué par Odile93, le 30 janvier 2020
(Epinay sur Seine - 69 ans)


La note:  étoiles
De la Vienne des années 30 à Saint-Domingue
Ce livre est une pépite, instructif et passionnant, basé sur des faits historiques réels.

" Encore un énième livre sur la Shoah", me direz-vous ! Oui mais non, celui-ci traite d'un sujet peu connu, celui de la fuite compliquée des Juifs hors de l'Allemagne/Autriche nazie et de leur implantation en pleine jungle dominicaine.

Le fil conducteur en est un jeune couple juif autrichien habitant à Vienne dans les années 30.

Y est alors décrite la vie culturelle merveilleuse qui régnait à cette époque dans la capitale avant l'annexion de l'Autriche à l'Allemagne nazie.

S'ensuit une description détaillée de lieux célèbres à Vienne que j'ai notés avec grand intérêt pour mon voyage prochain dans cette ville.

Mais notre couple va devoir fuir le nazisme et commencer leur douloureux et périlleux voyage. J'arrête ici le résumé de l'histoire pour garder intacte la découverte de ce livre aux futurs lecteurs.

Au travers de ces personnages fictifs sont évoqués et expliqués de nombreux événements du début des années 30 jusqu'en 1961. L'auteure remonte le temps jusqu'à la création d'Israël et même le procès d'Eichmann.

Même si l'histoire des personnages fictifs ne m'a pas laissé indifférente, c'est principalement le substrat historique qui m'a passionnée.
Une leçon de résilience porteuse d'espoir 8 étoiles

« Ils auraient voulu être déjà de l’autre côté de la frontière, que l’Autriche soit derrière eux, que c’en soit fini une bonne fois pour toutes. C’était un lent déchirement, une séparation qui s’étirait au fil des paysages qui défilaient. Rien ne les avait préparés à cette sensation qu’on les amputait d’une partie d’eux-mêmes. C’était un adieu poignant, silencieux, intime. »

Almah et Wilhelm aiment profondément l’Autriche et la Vienne brillante des années 1930. Pourtant, lorsque survient l’Anschluss puis la montée de l’antisémitisme, en tant que juifs, ils n’ont d’autre choix que de quitter le pays à contrecœur avec leur fils. Un long périple de plus d’un an les contraint à l’exil alors qu’ils ne sont les bienvenus nulle part.

Ils finissent par être accueillis en République Dominicaine où le projet de la Dorsa est mis en place. Il s’agit d’installer des pionniers sur les terres d’une ancienne plantation de bananes abandonnée pour développer le pays. Et même si la perspective de vivre sous la dictature de Trujillo ne les enchante guère, l’hospitalité et la culture dominicaine les accueillent à bras ouverts pour la première fois depuis bien longtemps. Des Juifs de multiples nationalités rejetés par leur pays s’y retrouvent et créent ensemble une communauté agricole fondée sur le collectivisme. Un pays où tout est alors à construire avec de belles promesses d’avenir. La communauté se crée et des liens très forts se tissent au fil des années.

Les déracinés évoquent l’exil forcé et la perte de repères, ponctués de nombreux drames. Ceux-ci sont surmontés par un couple très fort et uni et une résilience hors normes. Jamais la culpabilité d’avoir échappé aux camps et à la mort ne les quittera. Au-delà de la tristesse, les déracinés connaissent aussi des moments de reconstruction, d’espoir et de joie. L’amour de la littérature, de l’écriture – et notamment une déclaration d’amour à Zweig – et de la culture sont omniprésents.

J’ai aimé traverser ces grands moments de l’histoire – certains connus, d’autres moins – qui s’étendent de l’Anschluss jusqu’au début de la guerre froide. La découverte de la République Dominicaine, parfois sous forme de récits, parfois sous forme de carnets intimes nous plonge dans les événements et le quotidien de cette communauté avec beaucoup d’intensité et d'horreur. C'est une leçon de résilience porteuse d’espoir.

Psychééé - - 35 ans - 9 mars 2022