Le testament du Tsar : Chaos 1917-1945
de Youri Fedotoff

critiqué par Francois Martini, le 19 janvier 2020
( - 69 ans)


La note:  étoiles
Noblesse clandestine
Étonnant roman comme surgi d’un autre temps que ce Testament du Tsar. Il s’annonce comme le premier volet d’une trilogie, laquelle débute en 1917 et traverse le XXème siècle, son début au moins pour ce premier volume.


On s’en doute, le titre est clair, il est question du Tsar, de la révolution russe, bolchévique, puis soviétique. L’intrigue est mouvementée, complexe, très russe, pourrait-on dire tant les personnages abondent (et l’auteur a eu la délicatesse d’en proposer un index en fin de volume) mais elle est de notre temps, et l’on ne se perd jamais en descriptions ou en narrations détaillées. Cela avance à grand pas, toujours. Il faut toutefois se consacrer pleinement à la lecture qui ne pardonne pas la rêverie. Heureusement l’auteur présente l’action en courts chapitres datée et situés. C’est une chronique.

À peine a-t-on le temps de suivre les personnage de Saint-Petersbourg à Sébastopol ou Irkoutsk que l’auteur nous en propose d’autres, à Paris, Genève ou à Vienne. Le temps passe vite, les années défilent. Le style est nerveux et le lecteur, pas plus que les héros ne peuvent se laisser aller à la nonchalance : il faut suivre. De grands hôtels en stations de ski, de bivouacs improvisés dans l’Himalaya aux aérodromes de Sibérie, l’auteur nous déplace sans cesse, comme au sein d’un puzzle immense dont nous visitons les pièces dans un désordre apparent savamment maîtrisé.

C’est que, plus que testament encore, il y a un trésor que, bien sûr, il faut sauver des bolcheviks. Tout une aristocratie en détresse, héroïque malgré tout ses malheurs, s’active, qui à sauver sa peau, qui à aider les autres, qui a survivre au sein de l’enfer révolutionnaire… ou des salons genevois.


Ces Russes blancs, il s’agit donc d’eux, croient en la Russie, mais celle-ci disparaît progressivement, fondue au fur et à mesure dans l’Union soviétique qui se construit. Parmi eux, deux personnages extrêmement attachant, le héros, héritier du Tsar et son amie eurasienne, la sublime princesse siamoise Soraya Tin, que l’auteur nous laisse imaginer toute de séduction et de passion, se trouvent, se perdent, se retrouvent, au hasard des tribulations de Michel Trepchine, porteur de l’inestimable secret du trésor tsariste, et de son ami Sacha Bouganov. 


C’est un roman sérieux, qui demande de l’attention. Farci d’indications historiques souvent méconnues du public, il donne envie sans cesse d’aller lire ailleurs le détail des événements indiqués, puis de revenir participer, d’ambassades en grands hôtels, puis en biplan volé ou en Spitfire soviétique, de refuges de montagne en camps de concentration, à l’aventure de la Russie clandestine.


Le volume s’achève au printemps 1945, dans une Allemagne enfin libérée, sans que tout ne soit révélé. Nous attendons le tome 2.