En Raison du Mauvais Temps, Dansons !
de Céline De Bo

critiqué par Débézed, le 19 janvier 2020
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Faire le deuil
Ils étaient jeunes, ils ne savaient pas la vie, la vie qu’on donne et qui peut s’enfuir. « On était bête avec ton père…. ». L’enfant est arrivé mais il n’est pas resté. « Tu n’avais que quelques jours. On n’a pas eu le cœur à surmonter l’épreuve ensemble ». « Quand tu tombes amoureuse tu ne prévois pas ça ». Et comme certaines femmes font une grossesse nerveuse, la mère mène une vie de maman attentionnée. « Je nous ai vu ton père, toi et moi… ». Elle raconte cette maman déboussolée, comment elle aurait vécu avec sa petite fille qui deviendrait grande qui ferait des bêtises, qui fumerait de joints mais ne boirait pas d’alcool – comme sa maman peut-être -, qui se révolterait comme tous les ados en colère devant les délires de notre civilisation, qui partirait voir ailleurs si l’air est plus frais, moins faisandé, « Pour recoudre ton cœur tu pars humer les odeurs du monde ». Mais Bruxelles lui manquerait et elle reviendrait…

Elle raconte la maman par petite touche, des réflexions, de la poésie en prose souvent triste mais toujours belle, sensuelle, charnelle, elle dit la souffrance, la joie, la frustration, ce deuil qu’elle n’arrive pas à faire tant elle culpabilise. « Parfois, essayer de convaincre de me pardonner. Me pardonner ! Comme ses mots sont misérables. Si ce n’est pas la faute d’une mère d’avoir perdu son enfant, sur qui d’autres frapper ? ». C’est sa vie qu’elle raconte, c’est la vie que sa fille aurait eue, deux vies que se mêlent dans les mêmes douleurs, les mêmes colères et les mêmes espoirs. « Je t’ai imaginé pleurer la mort de Kurt Cobain en chantant « Hallelujah » de Jeff Buckley… ».

Il faudra de longues, très longues, années à cette mère dévastée pour faire le deuil de cette fille qui n’a vécu que dans ses rêves, que dans sa poésie. Un jour elle comprendra « … qu’en perdant tout, elle n’a pas tout perdu. A présent elle sait que les enfants meurent. L’amour aussi. Que personne n’est protégé. Et comme on lèverait son verre, elle swingue ». Il restera ses textes mis bout à bout pour faire une histoire de chair et d’amour, d’illusion et d’émotions, une belle histoire écrite dans la douleur, pour dessiner un message d’espoir. Comment se réjouir devant une telle douleur ? Mais comment ne pas fondre en lisant ses mots qui ne sont pas que des mots mais aussi des miettes de vie qui s’assemblent pour construire le deuil et réinventer l’espoir ?

« Peut-être faudra-t-il que je quitte la ville, cet appartement. Embraser le berceau, embrasser la vie et te laisser partir ».
Ode à Roxanne 9 étoiles

Nouvel Opus de "Bruxelles de conte", ce numéro 82 est fort en émotion.

Une femme raconte sa fille disparue, toute jeune, et lui invente la vie qu'elle aurait pu avoir. Au travers de ces lignes, on sent une grande blessure, toujours ouverte. Le souvenir de cette enfant et son départ prématuré ont laissé un goût amer à cette maman impuissante. Difficile d'admettre ce drame, de penser que si la vie avait été plus clémente, Roxanne aurait pu grandir et s'épanouir. Alors l'imagination galope, et cette maman désoeuvrée se passe le film de sa vie. Elle voit la jeune fille déambuler à Bruxelles, bien sûr, une ville qui a bien changé semble-t'il, une capitale comme bon nombre de capitales qui évoluent, qui n'a peut-être plus le même prestige qu'avant, sa beauté première, son âme d'antan. Roxanne veut voir le monde aussi, et le découvre, mais revient chaque fois aux sources, sa ville la rappelle, sa famille aussi, les Madeleines de Proust surgissent et ramènent l'oiseau au nid.

Céline De Bo partage avec le lecteur la vie rêvée de cette maman pour sa fille, mais aussi sa douleur, au travers de mots bien choisis, d'instants de poésie, et la vie continue, malgré le chagrin...

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 4 mars 2021