Godefroy de Bouillon
de Alphonse Vetault

critiqué par CC.RIDER, le 16 janvier 2020
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Un preux chevalier
Originaire du duché de Lorraine, Godefroy, de noble lignée, devient très jeune orphelin de père. Pris en charge par son oncle, il se destine très tôt à la carrière des armes. Au décès de celui-ci, le tout jeune chevalier découvre que la quasi-totalité de son héritage a été détournée. Il ne dispose plus que de rares terres alors qu’il aurait dû être à la tête d’un véritable duché allant de Verdun jusqu’en Hollande. Il en appelle au roi HenriIV d’Allemagne et aux autorités épiscopales qui ne parviennent pas à lui faire récupérer tous ses biens. Selon la tradition, dans ce cas de figure, tout peut être réglé en dernière instance par l’ordalie, le « jugement de Dieu ». Dans un duel épique contre son rival et cousin, son épée brisée, il risque la mort mais finit néanmoins par vaincre. En bon chrétien, il lui fait grâce de la vie. Quelques années plus tard, répondant à l’appel du pape Urbain II, il se retrouve à la tête d’une formidable armée de chevaliers venus de toute l’Europe pour délivrer le tombeau du Christ. Les petites gens, chauffés à blanc par Bernard l’Ermite, se mettent en route en premier avec une escorte militaire insuffisante. Ils finissent presque tous massacrés par les Bulgares. Pendant ce temps, Godefroy vend tous ses biens pour financer la croisade des chevaliers qui sera couronnée de succès avec la prise de Jérusalem en 1099.
« Godefroy de Bouillon » est une biographie d’excellente qualité datant de 1874, mais toujours aussi intéressante à lire et toujours parfaitement documentée et sourcée. Une référence. Elle retrace la vie d’un personnage hors norme, un colosse, un grand stratège, doté d’un charisme extraordinaire et d’une foi à déplacer des montagnes. Cette première croisade fut loin d’être une promenade de santé, mais plutôt un calvaire, une longue suite de souffrances et de tribulations. Passé la frontière allemande, tout alla de mal en pis. Attaques de pillards, prises de villes, double jeu des Grecs, trahison du Basileus, batailles entre chrétiens, famines, épidémies, tueries en tous genres. Il fallut s’emparer une à une de toutes les villes tenues par les Turcs, affronter à dix contre un et même à 40 contre un, les armées turques et égyptiennes. Les morts se chiffrèrent par dizaines et même par centaines de milliers. L’ensemble de la « migration » étant évaluée à environ 600 000 personnes au départ, se retrouva à moins de 40 000 croisés à l'arrivée, sous les murs de la ville sainte. Tout fut d’une férocité qui peut sembler monstrueuse à notre époque. Bien au-dessus de ces rivières de sang, s’élève la noble figure de Godefroy qui ne voulut jamais être roi dans une ville ou son Roi ne porta qu’une couronne d’épines, qui entra pieds nus et simplement revêtu d’une aube blanche, qui passa des heures en prière dans l’église du Saint Sépulcre alors que ses troupes en pleine folie de la victoire, dévastaient toute la ville. Il refusa tout avantage pour lui-même alors que ses alter ego se taillaient des fiefs et des domaines et mourut un an plus tard empoisonné par un émir qui l'avait invité à dîner. Au total, une page d’histoire bien sombre mais illuminée par une magnifique figure de héros chevaleresque.