Une éducation
de Tara Westover

critiqué par Pascale Ew., le 10 janvier 2020
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Coup de coeur
Tara est fille d’une famille nombreuse mormone. Sa mère est guérisseuse, sage-femme auto-proclamée, sans éducation. Ses potions d’huiles essentielles ont été élaborées sur base de pratiques aléatoires et de croyances sans queue ni tête. Son père est fou à lier : maniaco-dépressif ou schizophrène, en tout cas complètement parano. Il prépare depuis toujours la fin des temps et refuse tout recours aux médecins aussi bien qu’à toute institution autre que sa religion, y compris bien sûr l’éducation publique. Les enfants de cette famille grandissent sous la coupe du père, doivent travailler pour lui et sa décharge de métaux, encourent des risques et blessures innombrables. Le plus terrifiant pour Tara est son frère Shawn, mû par des crises de violence inouïes durant lesquelles il la terrasse et l’humilie.
A seize ans, Tara décide de prendre en main son destin et de partir à l’université, sans avoir reçu aucune éducation. Elle se trouve confrontée à un monde extérieur qui lui est totalement inconnu où elle dénote considérablement. Lentement, son esprit se forme et apprend à penser, à se détacher des certitudes assénées par son père.
Ce livre fait froid dans le dos (de par la violence et le fait qu’une telle misère puisse encore exister incontrôlée dans un pays dit « civilisé »). Ce témoignage pose la question de la violence domestique avec toute sa complexité. (« Il est réconfortant de penser que le défaut est de mon côté, parce que cela signifie que ce défaut reste en mon pouvoir. ») J’ai mis du temps à entrer dedans, sans doute parce que je n’avais pas relevé au début qu’il s’agit d’une histoire vraie, celle de l’auteure. Voir évoluer la personnalité de Tara est passionnant ; c’est comme voir un papillon sortir de sa chrysalide. Ce récit est très prenant. Le lecteur se prend à vouloir aider Tara dans son combat. Bravo à l’auteure, qui tente sans cesse de renouer les liens sans s’enfermer dans la rancune.