Les hommes incertains
de Olivier Rogez

critiqué par Alma, le 9 janvier 2020
( - - ans)


La note:  étoiles
A l'aube d'un bouleversement
Automne 1989. Anton, 20 ans, étouffe dans sa ville interdite, perdue dans la Sibérie. Il pressent, grâce à l'un des rêves prémonitoires qui lui sont familiers, que la Russie est sur le point de se redresser et qu'il lui faut partir à Moscou . Son oncle Iouri va l'y accueillir. Lorsque Anton arrive, le mur de Berlin vient de tomber. L'URSS est alors à l'aube d'un bouleversement .

Le roman se présente comme un roman d'apprentissage bâti sur un schéma classique : le jeune homme qui quitte les lieux de son enfance, « monte » dans la capitale dont il découvre la vie, guidé par un mentor qui l'introduit dans la société et le protège.

Anton, qu'on s'attend à trouver comme protagoniste principal, reste un peu en retrait tant son oncle Iouri, homme influent proche du KGB, introduit dans toutes les sphères de la société lui vole, si j'ose dire la vedette.
Iouri devient, par là même pour le lecteur, celui qui lui ouvre les portes des différentes classes sociales et forces politiques, et lui fait découvrir le fonctionnement de la société soviétique des deux années charnières où l'URSS va être amenée à basculer progressivement dans l'économie de marché .
Avec lui, nous pénétrons partout, aussi bien dans les coulisses du pouvoir, chez les nantis, ou au milieu de « la faune sauvage » des profiteurs du système que chez ceux qui en soufrent . C'est ainsi que toute la gamme des personnages de la comédie humaine russe défile dans le roman , et ce ne sont pas de simples figurants.
Du politique, du social mais …....Et le romanesque , dans tout ça ?

Il est bien là, il a sa source dans les aléas de la vie amoureuse de Iouri, étroitement mêlés à ses activités. Il est aussi présent dans les séquences où apparaît Anton . Celui-ci prend peu à peu ses marques dans la société, celle des jeunes du milieu underground dont il devient une sorte de gourou, encouragé par une douce présence féminine et sous le regard bienveillant d'un mystérieux staretz, aux pouvoirs occultes . Premier personnage introduit dans le roman, Anton sera aussi présent dans le dénouement, un dénouement qui vous surprendra ….

Vous suivrez avec curiosité et intérêt toutes les intrigues qui s'entrelacent et interfèrent entre elles, vous vous attacherez aux personnages, vous apprécierez peut-être aussi, si votre esprit rationaliste vous le permet, la dimension mystique et irrationnelle qui hante par moments le récit, annoncée dans le premier chapitre par les rêves d'Anton, et qui se prolonge par la présence d'acteurs « guérisseurs d'âmes » « comme il en naît parfois durant les temps troublés » auprès des dirigeants .
Vous partagerez peut-être aussi le constat accablant que dresse Olivier Rogez de l'état d'une société corrompue et des effets d'un communisme « qui a fait ressortir ce qu'il y a de pire dans l'homme »

Un roman dense, riche, à portée sociopolitique, inspiré de l'expérience d'Olivier Rogez , journaliste à Moscou dans les années 90.