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de Isabelle Simon

critiqué par Débézed, le 30 décembre 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
"Pronostic fatal engagé"
Ce n’est qu’à la fin de ce recueil que l’éditeur nous met en garde contre les outrages, les vices et les sévices qui pourraient rendre cette auteure fort dangereuse. « Après s’être rendue coupable d’Outrages à dames, elle récidive avec Manuel de castration chez Simorgh du Gard et finit par être déclarée Dangereuse avec Evidence. Le pronostic fatal est engagé ». Mais personnellement, je ne m’aventurais pas en terrain inconnu, j’avais déjà autopsié les outrages qu’Isabelle étaient capable d’infliger à certaines dames. J’étais averti, je savais ce qu’elle pense de l’acte d’écrire : « Faut pas écrire pour l’utile. Ni pour l’agréable… Encore moins pour joindre les deux bouts ! » et que « Vice ou vertu, on s’en branle. On aime, on désire, on s’élance, on se sauve, on s’arrange, on se débrouille ! C’est la morale des autres qui se charge de l’étiquetage ». L’essentiel étant ainsi dûment exposé, j’ai pu lire en toute quiétude les aphorismes d’Isabelle.

Des aphorismes qui sont comme des petites nouvelles qui tombent à pic, chutent avec élégance ou dégringolent avec fracas. Celui-ci tombe

« A l’égout
Le pire avec l’héroïne, ce n’est pas la mort qu’elle pourrait donner, c’est la vie qu’elle fait mener ».

Celui-là sombre crûment :

« Crudité
A la suite d’une liaison rapide avec son traiteur, la femme légère se trouva grosse de ses hors d’œuvre ».

Cet autre prévient :

« Avant qu’on signe
Il est possible d’aimer ses chaînes mais il convient de vérifier au préalable qu’à l’autre bout ne s’accroche pas un boulet. »

Et, ce dernier peut éviter la chute par ses vertus thérapeutiques :

« Prophylaxisme
Pratiqué régulièrement, l’humour améliore l’élasticité des tissus cérébraux ainsi que celle des fibres nerveuses ».

Je ne vais pas vous recopier ici les aphorismes qui ressemblent le plus à des petites nouvelles, comme celui qui raconte l’histoire du chat Oliver, je vous laisse le soin de les découvrir vous-mêmes dans ce bien joli recueil où Isabelle brocarde tous les pouvoirs et tous les travers qui affectent l’humanité. Elle ne se contente surtout pas de décocher des flèches et des piques avec malice, lubricité ou cynisme, elle le fait aussi avec élégance, maniant la langue avec dextérité pour, par exemple, en tirer un très intéressant jeu d’assonance et d’allitération, mais aussi de double sens, dans cet aphorisme :

« Elle était sessile, Cécile, rivée comme une moule, sans pédoncule, à son Roger. C’était une scieuse et lui, une sciotte. Ils étaient scissiles. Ils se sont fait scier ».

Elle m’amuse, elle me fait marrer, elle m’enchante, elle me régale !

Je me souviens qu’après ma lecture d’« Outrages à dames » j’avais conclu ma chronique par ces quelques mots :

« Et même si ce texte est cru, empreint de violence et de brutalité, il contient quelques passages très poétiques et son écriture ne perd jamais son élégance et sa finesse même dans les histoires les plus sordides. On peut dire les choses les plus crues sans pour autant s’égarer dans la vulgarité, ça Isabelle sait bien le faire, son écriture reste toujours aussi lisse quel que soit le sujet qu’elle traite. Elle ose dire ce que beaucoup ne veulent pas dire, le plaisir et le désir … »

Et je confirme avec enthousiasme après la lecture de ces aphorismes.