L'amour extrême/Le septième sommet/Une autre altitude
de André Velter

critiqué par Septularisen, le 22 décembre 2019
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«Et tu poses un baiser de sang Sur la face obscure de mon âme».
«Dans le kaléidoscope, notre premier rendez-vous : tu étais essoufflée à la porte du sixième étage. Je n’en revenais pas. La déesse était-elle si fragile ? Soudain j’étais plus essoufflé que toi à qui je disais «vous».
Au fait, qui a parlé ? Moi sans doute, qui cherchais à m’accrocher aux phrases pour ne plus vaciller dans tes yeux. Une semaine plus tard tu m’avouais que dès l’entrée tu n’avais plus touché terre.»

Le 13 mai 1998 la grande alpiniste française (notamment connue pour avoir atteint six sommets de plus de 8 000 mètres sans apport d'oxygène), Chantal MAUDUIT (1964 – 1998), trouvait tragiquement la mort lors de l’ascension du Dhaulagiri, au Népal. Elle avait 34 ans.

«Il a suffi de la voix de Mick au téléphone, et de trois mots: Chantal est morte.
Trois mots qui sont entrés dans ma chair et ne m'ont plus lâché. Trois mots enragés qui m'écorchent le corps en chacune de ses plaies. Trois mots plus forts que les mille et mille mots de mes livres.
Trois mots pourtant que je ne peux contrer qu'avec les mots qui nous ont réunis.»

Son compagnon, André VELTER (*1945), inconsolable après cette disparition, lui rend hommage dans ce magnifique recueil de poésie qui compte,- en plus de «L’amour extrême» -, «Le septième sommet» et «Une autre altitude».

C’est un sublime cri d'amour et de douleur à la femme aimée, maintenant disparue.
Le poète arrive magnifiquement, il faut le dire, à nous faire ressentir sa douleur, son chagrin, mais aussi sa solitude, son manque et bien sûr son amour pour celle qui n’est plus!

«Les vivants appellent ça le temps du deuil, c'est une mort pire que la mort, une défaite à petit feu, un retour à la norme du commun des mortels. J'ai trop mal, et d'une souffrance trop inhumaine, pour solder mon orgueil et mendier un pacte de survie.
Il n'est aucune échappée par-delà ton départ, aucune lézarde dans la commotion. Tout apparaît tragique et sans raison, tragique et sans illusion, tragique et sans lendemain. Comment vas-tu me convaincre de survivre tandis que j'étouffe chaque fois que je respire?»

C’est beau, mais beau, mais alors vraiment beau! (Non, je vous jure je n'exagère pas!). C’est émouvant, complexe, intense, dense, on se noie ici dans les sentiments ! C’est fort ça vous prend aux tripes, ça vous fend le cœur! On ressent tout l’amour, toute la passion qu’il y avait entre deux êtres, et qui maintenant est oblitérée…
Franchement pas la peine d’en dire plus, le livre, les poésies se suffisent à elles-mêmes. Il faut juste lire et se laisser emporter!.. Franchement un des plus beaux livres de poésie que j’ai lus!

J'ai perdu tout savoir.
A peine sais où je me trouve,
ni d'où je viens ni où je vais,
ni ce que fais soir ou matin.

J'en suis là
qui ne veille ni ne dors
et je ne veux vivre ou mourir.
Le bien, le mal ne me concerne pas.

Même le silence a encore à se taire,
même mon regard doit encore s'aveugler,
même ma démence se mettre à raisonner
et mes poèmes déchanter pour chanter.

André VELTER à été lauréat du Prix Goncourt de la Poésie en 1996 et du Grand prix international de Poésie de Saint-Malo en 2000. Tous les droits d’auteur de ce livre sont versés à l’Association Chantal Mauduit- Namasté.

«Où que tu sois, je t’aime»

Pour te rejoindre
nul parcours sur la terre,
il y faut l’ascension
de la montagne immense
qui me déchire le cœur.

Là tout est vertical,
de l’abîme du sang
aux mille soleils de l’âme,
une épée de lumière
et pas un seul sentier.

Est-ce mon amour
au souffle fragile,
à la fougue patiente
et légère, qui va ouvrir
la septième voie?

Amour sauvage que tu voulais
libre du chasseur et de la proie,
amour qui inventait l’amour
sans un appui sans une corde,
amour absolu, tout à toi.