La vie des fourmis de Maurice Maeterlinck

La vie des fourmis de Maurice Maeterlinck

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Débézed, le 18 décembre 2019 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Une réputation à refaire

Pour clore la trilogie qu’il a consacrée aux insectes vivant en société organisée, Maurice Maeterlinck, après avoir étudié la vie des abeilles et des termites, s’est intéressé à celle des fourmis qui est encore beaucoup plus complexe car il existe une diversité énorme de fourmis très différentes d’une espèce à l’autre, vivant selon des principes, des règles et des mœurs très différents eux aussi. « On en a décrit à ce jour six milles espèces qui toutes ont leurs mœurs, leurs caractères particuliers ». Il n’a pas étudié lui-même les fourmis comme il n’avait pas auparavant étudié la vie des termites, il a compulsé les meilleurs auteurs parcourant la presque totalité de la production sur le sujet à la date de la publication de son ouvrage. Rappelons que s’il a publié La vie des abeilles en 1901, La vie des termites n’est paru qu’en 1926 et La vie des fourmis encore plus tard, en 1930.

La fourmilière est peuplée par des reines, des femelles fécondées, vivant une douzaine d’années, d’innombrables cohortes d’ouvriers (ou ouvrières ?) asexués vivant trois ou quatre ans et de quelques centaines de mâles qui disparaissent au bout de cinq à six semaines. Dans une fourmilière peuvent cohabiter plusieurs colonies avec plusieurs reines et même parfois différentes espèces en plus ou moins bonne harmonie. La fourmilière héberge aussi une grande quantité de parasites, l’auteur écrit qu’on en comptait, au moment de la rédaction de son ouvrage, « plus de deux milles espèces, et d’incessantes découvertes, …, accroissent journellement ce nombre ». Je n’ai pas eu la curiosité de vérifier cette donnée auprès d’autres sources, la vie et l’histoire de ce monde en miniature sont pourtant fascinantes et permettent de formuler moult élucubrations plus ou moins fantaisistes mais, pour certaines, tout à fait plausibles. L’auteur s’est penché sur cette vie grouillante et pourtant très organisée qui peut évoquer l’humanité à une échelle réduite et peut-être même dotée d’une intelligence au moins comparable. C’est là un vaste champ d’investigation, de réflexion, d’imagination et surtout de recherche qui ne sera sans doute jamais exploré jusqu’à ses limites.

Pour suivre le préfacier, Michel Brix, nous retiendrons que l’auteur formulerait deux interrogations à travers cette trilogie : « les insectes sont-ils heureux ? et quelle spiritualité serait susceptible d’éclairer et de conforter les humains dans leur marche vers une existence plus « sociale », marquée par le renoncement à l’intérêt individuel ». Toute la trilogie est empreinte de cette double question et principalement ce troisième opus consacré aux fourmis qui sont encore plus dévouées au collectif que les abeilles et les termites, leur l’esprit de sacrifice est absolu. Maeterlinck les considère un peu comme les infimes parties d’un tout vivant, à l’exemple d’une cellule d’un corps humain.

Certaines espèces de fourmis sont particulièrement évoluées, elles peuvent cultiver des champignons, élever des parasites, moissonner, …, elles sont encore plus ingénieuses et mieux organisées que les abeilles et les termites. Mais, comme si toute évolution impliquait un esprit hégémonique et conquérant, « Seules, entre tous les insectes, les fourmis ont des armées organisées et entreprennent des guerres offensives ». Certaines espèces peuvent aussi causer des dégâts cataclysmiques dans la végétations, dans les villages, partout ou leur énorme flot se déverse en un énorme fleuve tranquille mais dévastateur. Elles ont aussi inventé l’esclavage en réduisant les espèces les moins solides, les moins débrouillardes, à leur service.

L’étude de la vie des fourmis bute sur de nombreux mystères que la science n’a pas pu élucider avant la publication de cet ouvrage et certainement guère plus aujourd’hui même si la connaissance a probablement évolué depuis la publication de ce dernier opus. Un des problèmes fondamentaux réside dans l’expansion incessante du nombre des individus, la reine pond sans cesse à un rythme effréné sans qu’aucun système de régulation ne freine le processus de reproduction. Quel pourrait être le but d’une telle frénésie reproductrice ? L’auteur laisse cette question sans réponse. Pour clore cette trilogie, nous resterons sur une autre interrogation formulée aussi par l’auteur : « Les fourmis iront-elles plus loin ? », rien ne permet de le dire mais rien n’est impossible, l’accroissement exponentiel du nombre des individus reste une hypothèse plausible et, dans ce cas, l’étendue des dégâts qu’elles causent peut croître elle aussi de façon extraordinaire. Et si cette question n’appartenait pas qu’au domaine de la science ? A la lecture de la trilogie, on constate vite que Maeterlinck s’est très vite posée cette bien embarrassante question.

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