Madame
de Antoni Libera

critiqué par Sahkti, le 10 juillet 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Apprendre et grandir
"Madame" est paru en polonais en 1998, sous ce titre en français. Au fil des pages se raconte l’éducation sentimentale d’un jeune homme. Un livre romantique (pas ma préférence, en général), une grande épopée, l’histoire d’une vie, d’une passion. Si ce genre de littérature me passionne peu en général, je dois reconnaître que l’écriture de Libera a opéré un certain charme sur moi.
Non seulement par son ton vif et emporté, par l’élégance du style mais aussi, et c’est important, par le récit en lui-même, loin d’être guimauve ou soporifique.
D’entrée de jeu on est placé dans la peau du personnage lorsqu’il se demande si il n’aurait pas dû voir le jour plus tôt, si il n’est pas passé à côté de formidables événements et de personnages incontournables. Un retour sur le passé dont nous rêvons tous un jour ou l’autre.

Nous sommes à Varsovie en 1960, un lycéen souhaite plus que tout ressembler aux héros dont lui parlent ses professeurs. Il tente bien quelques essais mais c’est souvent un échec, comme son envie de créer un groupe de jazz à l’école alors que le rock and roll est en pleine ascension. De quoi donner un petit côté ringard au jeune homme face à ses copains et attachant pour ceux qui, comme lui, sont empreints de nostalgie. Par exemple, Madame, la nouvelle professeur de français, une femme réservée et discrète dont les élèves ne savent rien. Notre narrateur, intrigué, mène l’enquête et découvre qu’elle se prénomme Victoire et que son parcours de vie la rattache à la France. La France, partie de l’élégance par excellence, de l’histoire, du romantisme ! Il n’en faut pas plus à notre héros pour être séduit par Madame et se mettre en tête de tout faire pour attirer son attention. La littérature sera un bon prétexte.

Deux grandes forces, à mes yeux, dans ce récit. D’abord la sensibilité placée par Antoni Libera dans la peau de son personnage. Ce jeune homme qui se cherche et se découvre, expérimente les premiers émois amoureux, les premières déceptions de la vie de presque adulte, l’apprentissage des conflits relationnels… fraîcheur et émotion sont au rendez-vous, de manière pudique.
Ensuite, et c’est là que ça m’a surtout plu, par la description de toute une société (Varsovie qui s’éveille au monde), d’une génération, d’une idéalisation à outrance du modèle français pour un pays quittant la dictature.
C’est une belle lecture, humaine et douce, dans laquelle on sent palpiter la violence des émotions.