Les Parisiennes : Leur vie, leurs amours, leurs combats - 1939-1949
de Anne Sebba

critiqué par Colen8, le 4 décembre 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
En demi-teintes
Quelques dizaines de ces parisiennes françaises ou d’adoption ressuscitent dans une histoire contrastée qu’elles auront été des centaines de milliers à subir, à laquelle nombre d’entre elles ne survivront pas. Tout commence dans l’insouciance de l’été 1939 bruissant des divertissements propres à la haute société de la capitale de la mode et des arts. Pour beaucoup la France puissance incontestée n’aurait rien à craindre des menaces de bottes de son voisin belliqueux. Après la débâcle de juin 1940 le nouveau régime de Vichy et l’occupation allemande rendent la vie difficile sauf pour celles et ceux qui préfèrent s’en accommoder le mieux possible. A la pénurie alimentaire viennent s’ajouter les réquisitions de logements, les confiscations de biens, des hivers sans gaz ni charbon qui seront parmi les plus rigoureux du siècle. La ville certes et aussi le pays tout entier sont quasiment désertés de leur jeune population masculine : près de deux millions entre les prisonniers retenus dans les camps allemands jusqu’à la libération, et ces hommes astreints au STO(1).
Les historiens ne s’y sont guère intéressés mais les premières initiatives spontanées de résistance sont venues de femmes refusant quoi qu’il en coûte de s’abaisser devant les vainqueurs. Par exemple Yvette Oddon, Agnès Humbert, Germaine Tillion et quelques autres ont créé le réseau du Musée de l’Homme en juillet-août. Hélas infiltré et dénoncé dans les mois suivants les arrestations, condamnations et exécutions se sont vite enchaînées. Les effectifs des résistantes se sont renforcés après la rupture du pacte germano-soviétique grâce aux communistes qui elles aussi se sont largement impliquées dans les actions allant jusqu’au sabotage. Sous une autre forme Sonia Valland en poste au musée du Jeu de Paume a réussi à consigner le pillage de dizaines de milliers d’œuvres d’art et à transmettre à la Résistance ce qu’elle entendait autour d’elle en allemand car elle le comprenait fort bien. On a comme ça de multiples chroniques et éléments de biographie de ces héroïnes de l’ombre qui n’ont pas pu toujours échapper à la déportation ni aux assassinats.
Difficile de raconter la survie au camp de Ravensbrück pour des milliers de prisonnières déportées à partir d’avril 1943 en raison de leurs origines ou pour des motifs politiques tellement les conditions y étaient innommables. Ce camp-là principalement, pas seulement celui-là d’ailleurs, aura vu arriver jusqu’à l’évacuation de 1945 des femmes privées de tout faisant preuve d’une force de caractère inouïe sans cesser de se soutenir entre elles. Parmi elles se trouvaient Geneviève de Gaulle, Simone Veil, Marceline Loridan-Yvens, Catherine Dior, Odette Fabius, « Toquette » Jackson ainsi que celles qui auront préféré garder l’anonymat. Leur calvaire a persisté après la Libération quand de retour dans leur milieu antérieur personne n’a vraiment voulu les entendre les obligeant à garder le silence pendant des décennies. Quelques-unes auront pu témoigner aux procès de l’épuration, beaucoup plus tard d’autres publieront des mémoires et dorénavant les chercheurs comme l'historienne anglaise Anne Sebba ont accès aux archives.
(1) Service du Travail Obligatoire en Allemagne à partir de 16 ans pour soutenir l’effort de guerre ennemi.