Un thé bien fort et trois tasses
de Lygia Fagundes Telles

critiqué par SpaceCadet, le 1 décembre 2019
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Perles brésiliennes
Publié pour la première fois au Brésil en 1970, ‘Un thé bien fort et trois tasses’ réunit dix-sept nouvelles, dont la plupart ayant été conçues entre 1958 et 1969, s’inscrivent, quoique de façon modérée, dans le courant moderniste de l’après-guerre. Essentiellement, à travers diverses situations plutôt usuelles, ces nouvelles examinent une facette, un aspect, un angle particulier des relations humaines. Partant donc d’une situation courante et souvent anodine, (histoire de couple, d’adultère, de rapports antagonistes, de relation ou de parcours de vie parvenu à un point tournant, histoire de famille ou de souvenirs enfouis dans un passé soudainement ressurgi, etc.), un peu comme l’araignée tisse sa toile, l’auteur trace au long de ces récits le portrait d’existences arrivées à point précis de leur trajectoire. Puis grâce à une approche introspective qu’elle applique à des personnages dont la perspective et la psychologie sont habilement conçus, les récits de Lygia Fagundes Telles mettent délicatement en relief les sentiments qui les animent dans les circonstances où ils se trouvent. Haine, passion, trahison, déception, tromperie, jalousie, cupidité, chagrin, angoisse, cruauté, etc., comptent parmi les humeurs et couleurs humaines qu’explorent ces récits.

Tandis que les aspects culturels et temporels passent au second plan (amateurs d’exotisme ou d’ethnologie passez votre chemin), l’intrigue s’installant dans le cadre plus intime du vécu, lieu où sur un plan ou l’autre la plupart des expériences humaines finissent par trouver des voies communes, ces nouvelles nous amènent en quelque sorte en terrain familier et nous rejoignent quelque part dans notre propre réalité.

Peu complexes mais bien conçus, c’est dans le dit versus le pensé, le connu à l’opposé de l’inconnu, le dissimulé face au divulgué, le factuel contre l’imaginé, les déplacements de perspective, les jeux d’ambiance ou les petits débordements surréalistes, qu’ils prennent une nuance particulière.

Dénuée d’artifices ou de superflus (du moins sous sa forme traduite), la prose met en scène, s’harmonise avec le caractère des personnages et s’efface derrière la finesse avec laquelle l’auteur nous révèle ces petites et grandes vérités de la psychologie, des relations et des expériences humaines.

Evoluant d’une perspective à l’autre avec une belle agilité, si le point de vue féminin est solidement représenté, on reste dans la plupart des cas, sur une approche plus globale, non exclusive, de l’expérience humaine, chose qui par les temps qui courent, me paraît constituer un atout appréciable.

A déguster lentement, histoire de bien apprécier la sève que l’on pourra extraire de ces petites perles sans prétention.