L'École des soignantes
de Martin Winckler

critiqué par Marvic, le 21 novembre 2019
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
Vivement 2024...
En 2024, un groupe de soignantes et soignants réfléchissent à une autre structure hospitalière. Le Chht ! Centre hospitalier holistique de Tourmens prend forme discrètement.
Ce sera d’abord un changement de vocabulaire : on ne parlera plus de "patients" ou de "malades" mais de "soignés" ; la féminisation du vocabulaire sera à l’image du personnel hospitalier, la nouvelle structuration des services, la confirmation d’une organisation plus humaine et plus cohérente des soins dispensés à chaque période de la vie.
"Il était entendu, depuis le début, qu’un hôpital n’a pas à être rentable... Personne ne regarde le nombre d’entrées et de sorties, la direction ne vérifie que trois choses : que nos comptes soient équilibrés dans la fourchette prévue, que personne ne porte plainte, et que la réputation du pôle contribue à la bonne image du Chht !.."

C’est 15 ans plus tard, alors que le Chht ! a prouvé, malgré sa discrétion, son efficacité, a montré combien le respect du soigné était une priorité, qu’arrive Hannah Mitzvah. homme de 35 ans, qui quitte son emploi de codeur-programmeur, pour devenir soignante.
Après quelques mois comme brancardier, il est accepté au Chht ! où il pourra s’il le veut, s’il le peut, gravir tous les échelons, et choisir une spécialité après avoir travaillé dans tous les services.
Il se retrouvera dans le service Psycho, Le Château, anciennement "maison des folles", sous la responsabilité de Jean/Djinn Atwood, personnage prédominant de sa formation, de sa construction, apportant les réponses aux questions intriguées d’Hannah.
"Nous n’avons pas besoin d’installations lourdes et nos dépenses en médicaments sont minimes : on ne prescrit que des molécules d’efficacité démontrée, il y en a peu et elles coûtent des clopinettes. En revanche, on a généralisé le recours aux thérapies comportementales et psycho-cognitives... de sorte que notre poste budgétaire le plus important est la rémunération des soignantes.. "

La découverte de cet hôpital basé sur le respect, l’humanité, la bienveillance est assez convaincante.
Les passages personnels sur l’enfance d’Hannah, ses deux mères, Sara et Meriem, sont assez succincts et manquent d’émotion ; sauf avec Data, le chat qui l’a adopté.
Mais les récits successifs des différents cas cliniques intéressants deviennent assez vite redondants.
Plus touchantes sont les pages "je suis celles... " , insérées dans le récit, parlant de toutes les femmes, de leurs bonheurs, leurs malheurs, des tortures ancestrales subies, de leur asservissement, mais aussi de leur émancipation, de leurs réussites, et finalement de leur force.

On retrouve l’engagement de Martin Winckler dans cet hôpital utopique ; on y retrouve aussi quelques personnages de précédents romans comme Bruno Sachs ainsi que la ville de Tourmens .
Ce livre peut se lire comme une suite au Choeur des femmes mais ce n’est pas un préalable indispensable (personnellement, je ne l’ai pas lu).
Un livre qui s’assimilerait presque à un essai sur sur un hôpital du futur, auquel on a envie de croire, malgré les derniers chapitres (les plus émouvants) qui se rapprochent de la science-fiction, mais un livre auquel il manque véritablement un souffle romanesque, un envol littéraire pour devenir véritablement passionnant.