Le petit monde de la rue Krochmalna
de Isaac Bashevis Singer

critiqué par Sahkti, le 5 juillet 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Réapprendre à être juif
Max Barabander est juif, mais au fil des années, il a un peu oublié ce que c'était. Fréquentant d'un peu trop près la pègre, il a erré de pays en pays, vivant de petits boulots pas très réglos et de liaisons avec des filles "qui rapportent". Il échoue en Argentine et se lance dans la spéculation immobilière. Il fait fortune. Puis se souvient un jour qu'il avait des parents, qu'ils sont morts et que ce serait bien qu'il retourne au pays, même un peu, histoire d'aller se recueillir sur leur tombe.

Le récit débute ici, Max arrive à Varsovie, ne reconnaît plus le quartier juif et éprouve un plaisir indescriptible à retrouver les senteurs, les accents, les coutumes... d'un petit monde oublié. Petit monde qui, en l'occurrence, est concentré dans la rue Krochmalna, centre névralgique du monde juif. Des petites gens, beaucoup de vie, de bruits, de rumeurs... chacun observe l'autre et sait tout sur tout. C'est un microcosme absolument ébouriffant que Singer nous détaille avec sa verve habituelle et son ironie mordante employée avec beaucoup de justesse pour décrire le monde juif d'Europe centrale et ce qui le compose.
Max va louvoyer, promettre le mariage à une jeune fille de rabbin (pure et candide) avant de se perdre dans les bras de la maîtresse du baron des lieux. Autant dire que les soucis ne sont pas loin !

Que dire si ce n'est que cette lecture fut un véritable régal. I.B. Singer manie tellement bien l'humour et la férocité. Le récit se déroule tranquillement, on a l'impression que le temps n'avance pas et en même temps, il se passe tant de choses, de petits événements de la vie quotidienne qui émaillent le récit, lui donnant vie et couleurs. Les personnages sont mis en avant, chacun dans ses travers et ses manies. C'est également l'occasion pour l'auteur de pointer discrètement mais habilement du doigt le décalage qui existe entre la religion traditionnelle, celle des écrits sacrés et des coutumes d'un autre temps, et le monde trépidant d'une ville. A cet égard, l'errance de Barabander à la recherche de ses origines juives est édifiante. Cet homme a presque tout oublié et au fur et à mesure qu'il se souvient des coutumes en vigueur, il les trouve dépassées et totalement inadaptées. Ce que confirme tacitement l'auteur via des petites moqueries ou scènes cocasses. Une lecture très plaisante et enrichissante.
Une âme en peine 8 étoiles

Nous sommes au début du 20ème siècle. Max revient à Varsovie, avec la vague intention d'aller sur la tombe de ses parents. En réalité, cet homme proche de la pègre et au passé louche qui a fait fortune en Argentine, erre comme une âme en peine. Il a perdu son fils, sa femme lui en veut, il traine son vague à l'âme à travers l'Europe. C'est un gros amateur de femmes, mais son désir lui joue des tours, ce qui le rend très malheureux et assez enclin à n'importe quelle bassesse.

De retour au pays, il se conduit de manière complètement irresponsable et amorale. Tout se passe comme si une force néfaste le poussait à agir de travers. Il séduit la jeune fille pure du rabbin, ensuite la femme d'un parrain de la pègre, puis séduit une jeune servante qu'il compte entrainer dans une histoire de proxénète. Il court à sa perte, mais ne fait rien pour s'arrêter, comme si c'était son destin.

J'ai bien aimé la description du quartier juif de Varsovie, la vie quotidienne de ces gens complètement sous l'emprise de la religion et des règles. Il y a beaucoup de pittoresque et de couleur locale. Par contre le personnage principal m'est toujours resté antipathique, ce qui m'a gêné dans la lecture.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 17 octobre 2008