Tison ardent
de Thibaut Tekla

critiqué par Emilien Halard, le 27 octobre 2019
( - 38 ans)


La note:  étoiles
La fascinante autobiographie spirituelle d’un de nos contemporains
« Tison ardent » est l’autobiographie spirituelle de Thibaut Tekla, un homme de 33 ans né de parents athées.

Son récit est passionnant.

Tout d’abord, son histoire paraît se dérouler devant les yeux des lecteurs, tant sa toile de fond nous est encore familière : qu’il s’agisse de l’interdiction des signes religieux à l’école en 2004 ou de l’élection présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, beaucoup des événements évoqués sont encore bien présents à l’esprit des Français.

Surtout, l’auteur fait preuve de grandes qualités d’introspection.

Ainsi il essaie d’analyser les raisons pour lesquelles il a agi ou été attiré par telle ou telle chose, sans jamais exclure des hypothèses qui seraient peu flatteuses pour lui.

Par exemple, en page 39, il décrit un moment de son adolescence où il était animé par un désir de changer le monde de manière radicale, mais restait malgré tout « un individu égoïste, centré sur lui-même, plein de rêves utopiques mais en réalité inattentif à la souffrance du SDF au bout de la rue ».

La trajectoire de l’auteur est celle d’un athée que la rencontre avec des musulmans fervents conduit à s’intéresser aux questions religieuses.

Il se documente sur l’islam, puis commence à lire l’Ancien Testament et se met peu à peu à croire en un Dieu « principe même de l’existence ».

A ce moment, il est saisi par un certain vertige devant l’horizon qui s’ouvre à lui.

Il demande alors à Dieu « de ne pas faire de [lui] un de ces chrétiens stupides » mais « à la limite, de bien vouloir faire de [lui] un musulman, pour qu’au moins [il] puisse faire peur plutôt que d’être tourné en dérision ! ».

Je trouve cette prière extrêmement révélatrice de l’état d’esprit répandu chez les jeunes en France depuis, au moins, les années 90.

L’auteur raconte ensuite son catéchuménat au sein d’une paroisse catholique, ses périodes de doute, son attrait pour la mystique hindoue, ainsi que son engagement au sein de l’association de dialogue inter-religieux Coexister.

Il y montre la possibilité d’un véritable engagement interreligieux qui n’implique pas de présupposé relativiste.

Un chapitre est consacré à l’analyse de la pensée de René Guénon. J’avoue n’avoir pas tout de suite compris l’intérêt de ce chapitre, tant les théories guénoniennes me paraissent spécieuses.

Pourtant, l’intérêt accordé à Guénon par Thibaut Tekla s’explique simplement : dans le microcosme du dialogue inter-religieux, beaucoup de gens, musulmans, catholiques ou encore gnostiques, sont des adeptes ou des admirateurs de René Guénon.

Il est vrai que l’œuvre de Guénon vise à répondre à une question fondamentale : s’il existe un seul Dieu, pourquoi existe-t-il différentes religions ?

Mais cette question peut trouver bien d’autres réponses que celle apportée par Guénon. Thibaut Tekla fait d’ailleurs allusion au point de vue catholique sur la question, lorsqu’il se réfère au concept de loi naturelle comme principe supérieur. Il aurait sans doute pu également parler du concept de "religion naturelle", mais il se serait un peu éloigné de propos initial : raconter son itinéraire spirituel.