Le dernier dimanche de Sartre
de Jean-Pierre Énard

critiqué par Sahkti, le 30 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Sartre s'en va
Me voici bien perplexe face à ce roman, réédité par Finitude.
Nous nous trouvons face à un vieil homme, fatigué, usé, au bout de sa vie, qui déambule dans Paris un cigare aux lèvres et des désillusions plein la tête. C’est un homme devenu laid, maigrelet, sans force, qui marche, pour ne pas dire errer, sans but précis, si ce ne sont quelques pensées obsédantes dédiées à "Elle", l’absente, celle qui n’est plus près de lui car occupée ailleurs.
L’homme se dirige sans hâte vers un café bien connu. L’endroit lui est cher, il y a jadis refait le monde sur ces banquettes toujours rouges. Rien ne semble avoir changé, à part les visages. Il ne reconnaît plus personne. Et plus personne ne le reconnaît ou presque. Lui, c’est Jean-Paul Sartre. Il est entré, attend, gêne le passage, ce que ne se prive pas de lui faire remarquer un serveur à la sympathie toute parisienne. Sartre quitte les lieux, promène sa tristesse au Luxembourg, rentre chez lui et retrouve ses souvenirs, ses fantômes. Il se sent seul et fatigué, il s’allonge et décide d’abandonner la vie, de laisser la mort l’emporter. Seul et sans personne. A l’exception du gamin du dessus qui récoltera les dernières secondes, le dernier sourire.

Bouh que c’est triste et déprimant ! Et puis je ressens un malaise à l’idée que ce personnage c’est Sartre. Non pas que je sois particulièrement attachée à l’auteur, mais tout de même, ça fait bizarre. Ce livre a été publié pour la première fois en 1978, au Sagittaire, deux ans avant la mort de Sartre. C’est à la limite du mauvais goût et en même temps, c’est peut-être un hommage déguisé, je n’en sais rien et ça me laisse dubitative.
Pas d’émotion vis-à-vis de Enard, simplement une interrogation et également pas mal de tendresse pour ce vieil homme décrit dans le livre, ça rend tout de suite Sartre beaucoup plus attachant et l’image que j’avais de lui en prend un coup. Finalement, je vais finir par penser que c’est une lecture salutaire et intéressante. Qui a le mérite de rendre égaux tous les génies face à la fin de vie.
Triste et osé 8 étoiles

Je ne connaissais pas ce petite livre.
Qu'il ait été édité avant la mort de Sartre est en effet culotté. Mais enfin Sartre n'a pas toujours été délicat avec ses contemporains!

J'ai eu grand plaisir à lire ce livre. Cette dernière promenade dans la vie de ce vieux monsieur qui a été un aigle est une aquarelle de la vieillesse avec ses tons sombres (déficiences physiques) mais aussi des touches lumineuses (les couleurs, la beauté des femmes, le café, les tavernes).

La "camaraderie" avec le petit des garçon des voisins est émouvante parce qu'il est confronté au "petit" Jean-Paul.

L'âge mûr donne une autre vision de la vie et un autre nouvelle liberté d'en apprécier la beauté.

L'on voit bien ici que lorsque le cerveau fonctionne encore convenablement, l'être humain de ne perd presque rien de son appétit de vie. L'homme continue à être ému par la beauté et la sensualité de l'autre sexe mais sa lucidité en limite l'expression.

Je n'ai rien perdu de mon admiration pour l'écrivain et l'homme politique, malgré les erreurs et les faiblesses. Au contraire!

Donatien - vilvorde - 81 ans - 1 octobre 2008