Conversations entre adultes
de Giánīs Varoufákīs

critiqué par Colen8, le 6 septembre 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
« Que vouliez- vous qu’il fît contre trois ? »(1)...
Ce livre-témoignage est celui d’un économiste enseignant universitaire reconnu Yanis Varoufakis, ancien député puis ministre des finances du gouvernement grec d’extrême gauche pendant une courte période en 2015. Sans y être encarté il dépendait du parti Syriza vainqueur de ces élections-là en raison de l’austérité régnante. La Grèce en faillite depuis la crise américaine des subprimes de 2008 avait dû être renflouée en 2010 et 2012 sous les gouvernements précédents par ceux que l’on nomme la troïka(2), renflouements largement utilisés au soutien des banques allemandes et françaises pour éviter un effet domino sur les autres économies de l’union monétaire. Selon sa méthode habituelle la troïka avait exigé le remboursement de la dette par une réduction des déficits publics assortie d’un programme de privatisations massives et d’une cure d’austérité sévère imposée à une population déjà fortement précarisée.
Telle était la situation jugée à la fois insoutenable humainement parlant et attentatoire à la dignité du pays par les nouveaux élus, qu’ils avaient donc promis de revoir sur la base de leur légitimité démocratique dans un pays se jugeant souverain. Aussi compétent en matière économique que néophyte dans le jeu politique et même avec le soutien initial de son premier ministre, ne ménageant ni ses arguments ni ses efforts dans une négociation orientée vers le recouvrement partiel de la souveraineté grecque Yanis Varoufakis s’est trouvé jeté dans le marigot de l’establishment institutionnel, politique et bureaucratique européen. Assez vite il a été isolé en premier lieu par les créanciers eux-mêmes aussi sourds à son plan de redressement et de remboursement de la dette validé par de grands experts mondiaux, qu’intraitables sur le remède dont tout le monde reconnaissait l’inefficacité. Derrière eux sont venus le combattre les partis grecs éliminés par les urnes rejoints par l’oligarchie grecque championne de l’évasion fiscale depuis des décennies.
C’est un récit haletant autant qu’hallucinant qui dément toutes les campagnes diffamatoires menées contre lui par son propre parti, par les médias grecs et étrangers, par ses interlocuteurs dans les négociations aux plus hauts niveaux politiques. On y découvre la pusillanimité de ceux qui abondent dans son sens en aparté pour se rétracter aussi sec en public, la jalousie de ceux que son parachutage comme ministre irrite au plus haut point, le dogmatisme des conservateurs en général. A la suite de cette mission impossible menée avec conviction, intelligence, bonne foi et la naïveté de ceux qui n’ont pas eu besoin d’exercer la profession d’apparatchik on aurait pu le croire retourné illico à ses chères études. Pas du tout ! Son esprit de résistance toujours intact l’a poussé à rejoindre un mouvement pro-démocratique transfrontière(4) assez conscient de la fragilité de l’UE pour tenter de lui éviter un naufrage dans le sillage de celui du Titanic …
(1) Horace (1640), tragédie de Corneille
(2) Troïka : MES (Mécanisme Européen de Stabilité), FMI (Fond Monétaire International), BCE (Banque Centrale Européenne)
(3) Pour en savoir plus sur la situation grecque en 2019 :
https://la-croix.com/Economie/Monde/…
https://diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/…
(4) https://diem25.org/main-fr/ - le site du mouvement auquel a adhéré Yanis Varoufakis en 2016