La demande de Michèle Desbordes

La demande de Michèle Desbordes

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sahkti, le 29 juin 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 298ème position).
Visites : 4 432  (depuis Novembre 2007)

Le temps qui passe

Un temps lent et beau qui emporte tout sur son passage. Succession de silences, de non-dits, de descriptifs habiles et d'ambiances presque irréelles, ce roman de Michèle Desbordes nous transporte à une autre époque, dans un autre monde, celui de la lenteur et du temps qui se laisse contempler. La vie passe et défile, jour après jour, au gré des humeurs de chacun, des caprices du vent ou des tourments de l'Histoire. Pas de dialogues mais un procédé narratif très efficace pour nous conter l'histoire de ce grand peintre italien et de sa servante, une femme silencieuse et dévouée. Un profond respect unit les deux êtres, qui se comprennent et s'apprécient sans mot échanger.
Michèle Desbordes a le souci du détail, des atmosphères, des tréfonds de l'âme de ses héros, tout cela ressemble à une immense reconstitution historique et sociale qui semble ne pas prendre une ride, vouée à l'éternité, recommencement incessant de la vie et de la mort. L'acte final de la servante, ce don d'elle qu'elle aurait voulu faire pour la science et la gloire de son maître est une jolie manière de marquer ce passage, de perpétuer une présence, de laisser un héritage intemporel.

J'ai été très marquée par cette notion de temps qui passe tout en paraissant immuable, le rythme est lent sans être long ou languissant. On observe sans prendre part de peur de troubler le cours de ce fleuve bien tranquille, on écoute les murmures intérieurs des protagonistes, on évolue avec eux, regardant les saisons défiler sous nos yeux attentifs et envoûtés par tant de simplicité et de douceur.

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Les éditions

  • La demande [Texte imprimé] Michèle Desbordes
    de Desbordes, Michèle
    Verdier / Littérature Française
    ISBN : 9782864323037 ; 11,66 € ; 07/10/1998 ; 123 p. ; Relié
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XVIème siècle

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 17 novembre 2012

XVIème siècle, les bords de Loire. Un maître italien – peintre, sculpteur, architecte – se rend sur les bords de la Loire à l’invitation du Roi de France. Ce maître italien – on pense de suite à Léonard de Vinci – est sur la fin de sa vie. Il est accompagné de plusieurs de ses jeunes élèves et ce long voyage (XVIème siècle !), il a bien conscience que ce pourrait être le dernier. A son arrivée, on lui affecte une servante, d’un âge similaire, autant efficace que discrète.
S’ensuivent de belles pages sur le ressenti du temps qui passe, aussi bien chez le maître que chez la servante, dans des registres évidemment différents. Michèle Desbordes met à profit intelligemment les contingences particulières liées à la situation historique du roman (le XVIème siècle). De belles pages également sur l’acte créatif et le recul que peut en avoir un artiste en fin de vie.
Des mois vont passer sur ces bords de Loire, des mois durant lesquels, malgré le mutisme de la servante, une relation aussi muette qu’intense va s’instaurer entre ces deux là. Une relation intense qui débouchera sur « la demande » dont il est question dans le titre, une demande qui n’a rien de banale. Pour autant, l’intérêt de ce roman n’est certainement pas tant dans l’originalité de la dite demande que dans la relation par Michèle Desbordes du temps qui passe entre ces deux là, pour ces deux là à l’aune de leurs passés respectifs, ainsi que dans cette visite au cœur du XVIème siècle qu’elle nous propose. Une visite tout à fait crédible.
Un roman tout en sensibilité et en finesse qui fait appel à l’intelligence et au cœur.

Une très belle lecture, impressionniste et impressionnante

10 étoiles

Critique de Magdalili (Bordeaux, Inscrite le 24 décembre 2005, 39 ans) - 28 juillet 2007

Il y a le maître et la servante. Le titre nous éclaire d’avance sur l’occurrence d’une demande. Mais quelle demande ? La carotte est bien trouvée. Dès le titre le mystère est ouvert et on avance goulûment pour trouver la clef de l’énigme. Par son phrasé délicatement poli, l’auteure nous fait tranquillement glisser jusqu’à la solution de l’équation.

Au début on se perd, on se noie.

Les interminables phrases nattées tout en longueur, étirées à l’extrême, coulant jusqu’à l’infini. On résiste à ce verbe herbeux, on s’y reprend pour défricher la syntaxe des phrases et comprendre vers où elles nous poussent.

Et puis peu à peu on s’y fait.

Tout à coup on se laisse entraîner en apnée par l’auteure pour ne jamais plus émerger. Plonger dans un rythme nouveau, explorer les fonds d’une autre époque - celle du XVIème siècle. Et respirer avec elle - Michèle Desbordes.

Savourer les mots choisis. Goûter à des fresques humanistes importées dans le pays de la Loire. Et soudain se surprendre à entendre le vent bruisser dans les ifs, percevoir la lumière diffuse dans laquelle évoluent les corps et les visages.

En elle-même, l’intrigue ne vous sustentera pas. Le dévoilement de la demande ne nourrit pas à lui-seul le récit. C’est bel et bien le décor pastoral et l’esprit épicurien du récit qui font le conte.

Ce livre, c’est une ode au temps.

Une ode au temps qui file, aux saisons qui s’enchaînent une à une, infiniment, à la mort qui succède à la vie, inéluctablement.

Mais plus que tout, c’est une ode enchanteresse qui réussit à nous extraire de la fuite du temps et à nous placer au-delà, dans un monde serein, sans horizon, où les secondes ont suspendu leur envol !

Et la conscience du temps qui s’est enfui…

8 étoiles

Critique de Fee carabine (, Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans) - 21 juillet 2005

Sahkti a bien rendu justice, dans sa belle critique, à ce très beau roman de Michèle Desbordes. Un roman au sujet le plus ténu qui soit: le temps qui passe, la mémoire du temps qui s’est enfui et la conscience du peu de temps qui reste à parcourir. Un roman tissé à la fois de douceur de vivre, et de cette terrible fatigue qui s’empare petit à petit d’un corps usé année après année par de durs travaux. Et jusqu’à la fin: “la patiente répétition des gestes de tous les jours, l’affirmation obstinée que tout continuait , le soleil se levait et se couchait, le ciel était bleu, le ciel était gris, ils étaient là rassemblés sous un même toit comme ils l’auraient été sur un bateau luttant contre une mer hostile, à se demander ensemble qui de la vie et de la mort chaque fois l’emporterait, il se laissait bercer comme il se serait laisser bercer par le vent d’été ou une de ces voix douces et mystérieuses venues de l’enfance.”

Un très beau livre.

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