Par les routes
de Sylvain Prudhomme

critiqué par Marvic, le 11 février 2020
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
Partir ou rester
Sacha, à l’approche de la quarantaine, quitte Paris pour s’installer à V., petite ville du sud de la France. Pour plus de sérénité afin d’écrire un nouveau roman.
Il découvre que vit aussi dans cette ville, son ami "l’autostoppeur", qu’il n’a pas vu depuis 15 ans.
La rencontre était inévitable, et si Sacha semble l’appréhender un peu, l’autostoppeur est ravi de lui présenter sa compagne Marie, et son fils de 8 ans Agustin.
Sacha qui ne pouvait plus vivre avec l’autostoppeur à l’époque, se sent bien avec la famille de son ami où règnent sérénité et bienveillance…
Quant à son ami, il n’a pas changé ; il continue à lever le pouce à l’entrée ou sur les aires d’autoroutes pour rencontrer des gens.
Et Marie entre ces deux hommes, celui qu’elle aime et qui part de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps, et celui qui est là, présence discrète et bientôt nécessaire auprès d’elle et de son fils.

Les voyages de l’autostoppeur nous font parcourir toutes les régions de France, puis des villages aux noms singuliers jusqu’en Ariège à Camarade.
Si j’ai été gênée par l’absence de ponctuation, empêchant parfois l’identification du narrateur, j’ai apprécié les descriptions délicates de la nature, du jardin, des lieux…
Mais ce roman est surtout une très belle histoire de relations humaines, sans cris, sans violences, sans agressivité même dans le chagrin ou la tristesse ; de la tendresse, de la douceur, de l’attention, du respect sans aucune mièvrerie dans ce fragile équilibre entre quatre personnages attachants où l’on prend beaucoup de plaisir à suivre leurs doutes, leurs cheminements.
Un excellent moment de lecture.
L’autostoppeur 9 étoiles

« Il y en a qui ont besoin de faire du sport. Il y en a qui boivent, qui sortent faire la fête. Moi, j’ai besoin de partir C’est nécessaire à mon équilibre. Si je reste trop longtemps, sans partir, j’étouffe. Et je vois que c’est pire depuis que je garde des traces des gens que je rencontre. Je vois ma pile de photos qui augmente. Ma liste d’adresse qui s’allonge. Ca devient compulsif. J’ai toujours envie qu’il y en ait plus"

« Les échanges de regard, l’importance de cette entente discrète, à peine un sourire par lequel il entrait un contact avec un automobiliste au visage sympathique, prenait rendez-vous avec lui. (.) L’automobiliste et l’autostoppeur à partir de ce moment liés. Traversés par cette même pensée : dans quelques minutes à peine, nous serons assis côte à côte dans le même habitacle, nous nous parlerons, nous raconterons mutuellement nos journées, échangerons nos points de vue sur la vie, en saurons plus sur l’un l’autre que n’en savent certains de nos amis les plus proches. »

« L’impossibilité d’échapper aux sens de l’autre. L’impossibilité symétrique de soustraire ses propres sens à la présence physique du voisin. Au volume de son corps. Chacun des deux passagers mis à nu. Prisonnier du même air confiné que son voisin. Condamnés à partager chaque sms, chaque appel, chaque velléité d’appel. Le même huis clos qu’à bord d’un petit bateau mais sans l’échappée du grand large. »

Ce livre a fait écho chez moi, car j’ai pratiqué l’autostop de l’Espagne aux USA. Raison pour laquelle dans mon analyse, j’ai uniquement privilégié les motivations et les rencontres de l’autostoppeur.
Car, bien sûr, il y a aussi l’histoire d’amour, l’autostoppeur est père d’un petit garçon, Augustin, qu’il a eu avec sa compagne Marie. Mais ils ne sont pas du voyage. Ils se contentent d’attendre et de parfois recevoir un appel ou quelques cartes.

« Marie n’avait plus de colère à présent. De la tristesse sans doute, chaque fois qu’arrivait une nouvelle carte, et avec ce rectangle cartonné, un peu de l’homme qu’elle avait aimé. Mais une tristesse qu'elle faisait tout pour tuer en elle. Ne voulant plus donner prise à l’autostoppeur. Refusant qu’il continue de peser sur son humeur. »

Darius - Bruxelles - - ans - 29 mars 2020