La pleurante des rues de Prague
de Sylvie Germain

critiqué par Sahkti, le 27 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Emouvante Pleurante disparue
Dès les premières lignes, ce livre m'a émue. Par l'aspect discret de la narratrice qui raconte les apparitions d'une géante dans la ville de Prague, une évocation discrète, un compte-rendu simple de ce qu'elle a vu. Elle n'interprète rien, elle raconte. Les mots sont poétiques, empreints de douceur et d'affection. Cette géante d'apparence terrifiante présente tout d'un être meurtri qu'on a envie de connaître et qu'on aime déjà, malgré les zones d'ombre qui s'en dégagent.

Au fur et à mesure de ses apparitions, nous n'en apprenons pas davantage sur elle et pourtant, nous découvrons de suite que chaque passage s'identifie à une personne ou à un état d'âme, le tout constamment relié au chagrin et à la souffrance. Douze apparitions au total, douze: un chiffre magique, comme les douze coups de minuit de Cendrillon, les douze apôtres ou les douze heures d'un cadran horaire. Magie, en effet, on arrive à peine à savoir si cette histoire est conte ou réalité. On la devine métaphore, introspection. De remarquables passages sur la mort ou sur la fin de l'amour, de magnifiques lignes de sagesse et de doute. L'auteur se confond avec son histoire. Peut-être est-ce son histoire...
Un jour, après une année de silence, la Pleurante disparaît. Elle devient invisible pour les yeux mais on devine que son coeur bat encore et pour toujours à l'unisson avec celui de Prague. Prague, une ville qui respire à chaque page.
J'aurais aimé que le livre s'arrête là; l'épilogue me semble superflu. L'auteur a cru bon de nous expliquer ce qu'il était bon de comprendre, nous privant de cette liberté de choix, du cheminement de notre imaginaire qui aurait préféré replacer la géante où il le souhaitait, qui aurait aimé pouvoir lui donner l'identité de son choix ou la destinée qui lui plaisait. Dans sa conclusion, Sylvie Germain nous indique que si la pleurante a disparu, c'est sans doute parce que "l'écrivant" qui racontait son histoire n'a pu la saisir à temps et a attendu que l'encre des larmes soit sèche pour l'étaler sur papier. Je n'ai pas trouvé son récit sans âme ou en retard, il était parfait, bouleversant. Dommage que la fin ait gâché ce plaisir, ait alourdi cette impression d'étouffement émotionnel ressenti à la seule vue du titre "Dernière apparition".