La France made in China
de Régis Soubrouillard, Pierre Tiessen

critiqué par Colen8, le 26 août 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Vassalisation rampante du monde
On s’est réjoui au début de délocaliser les productions industrielles vers l’atelier du monde, la Chine en l’occurrence, pour importer des marchandises bon marché, défendre le pouvoir d’achat, reporter à des jours meilleurs les réformes structurelles indispensables. Quarante ans plus tard certains des dirigeants politiques s’inquiètent de cette puissance économique quasi illimitée pendant que d’autres lui font les yeux doux, trop heureux d’avoir une alternative à un modèle occidental aussi rigidifié en matière d’orthodoxie financière que laxiste sur les menaces exercées à l’échelle planétaire : sécurité, santé, inégalités, changement climatique, pollutions, ressources naturelles, technologies incontrôlées, etc.
La « nouvelle route de la soie » est ce projet stratégique de la Chine sur le moyen terme dont on voit les ramifications terrestres et maritimes s’étendre sur tous les continents grâce à ses fonds souverains. L’Afrique s’y est largement ouverte pour bénéficier d’un financement et d’une réalisation de ses infrastructures dépassant ses propres capacités, en échange de richesses minérales et de terres agricoles. Les pays d’Europe de l’est, du centre et du sud, rattachés ou non à l’Union Européenne, fragilisés par la crise mondiale de 2008 y ont trouvé une alternative au néolibéralisme de Bruxelles englué par une bureaucratie tatillonne qui a largement contribué à la désindustrialisation de l’Europe dans son ensemble.
Avec une rapidité inattendue, toujours soumise à l’autorité sans partage du PCC (Parti Communiste Chinois) et dorénavant à celle de son président à vie Xi Jinping, la Chine a acquis la maîtrise des technologies les plus avancées jusqu’à devenir leader incontesté des panneaux solaires, bientôt celui des véhicules électriques en même temps que laboratoire du monde. Encouragée par la planification, les investissements étrangers, les joint ventures et transferts de connaissances rendus obligatoires pour l’accès au marché intérieur chinois, elle est devenue une concurrente à part entière dans l’aéronautique, le nucléaire, le TGV, le numérique, le BTP, la construction navale.
Elle crée d’abord des hubs logistiques dans les ports dont elle acquiert la gestion pour inonder plus facilement les marchés de ses produits à haute valeur ajoutée. La France n’est qu’une des cibles de cette stratégie de capitalisme autoritaire très performante selon les autorités chinoises. L’enquête approfondie des deux auteurs et journalistes est édifiante, car elle montre sans ambiguïté à quel point le recyclage d’anciens (premiers) ministres, hauts fonctionnaires, élus, voire président dans des activités de conseil et de lobbying plus que lucratives y contribue.