Histoire de la France
de Jean-Christian Petitfils

critiqué par Colen8, le 23 août 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Retrouver la fierté d’une histoire millénaire à nulle autre pareille
Plusieurs idées maîtresses jalonnent cette ambitieuse histoire s’étendant sur 12 siècles de la fin de l’Empire carolingien à nos jours, dont près de 10 en régime monarchique, après 1870 en république(1). Leur émergence progressive en mode discontinu et désordonné que Jean-Christian Petitfils souligne régulièrement représente selon lui les piliers de notre âme, les porteurs de l’identité nationale. Malheureusement ces piliers trop ébranlés depuis une trentaine d’années par les pertes de souveraineté associées à la mondialisation, à la construction européenne, à la décentralisation parmi bien d’autres facteurs, participent du pessimisme et du sentiment de déclin mesuré par les sondages. Ce sont donc tels que listés dans l’avant-propos :
- « Un Etat-nation souverain et centralisé », vite porté à la séparation du temporel et du spirituel, donc opposé à la papauté comme aux forces centrifuges porteuses d’éclatement depuis la féodalité, aujourd’hui servi par les grands corps de l’Etat ce que l’on qualifie de jacobinisme jusqu’aux réformes de décentralisation.
- « Un Etat de justice au service du bien commun », illustré à l’origine par Saint-Louis, duquel est née la notion d’égalité civile après l’abolition des privilèges de la Révolution. Son volet social long à se mettre en place a été le fruit de la pression plus ou moins violente des classes populaires jusqu’à la Libération qui a vu naître l’Etat-Providence poursuivi durant la Vème République, ensuite sous la mandature de François Mitterrand en 1981.
- « Un Etat laïque aux racines chrétiennes » affichant progressivement sa neutralité en matière religieuse sans occulter la barbarie de la croisade contre les albigeois, plus tard les violences contre les huguenots pour aboutir en 1905 à la loi toujours en vigueur de séparation des Eglises et de l’Etat à nouveau mise en avant lorsqu’il a fallu statuer sur le port du voile islamique.
- « Un Etat marqué par des valeurs universelles » provenant de la longue prégnance du catholicisme(2), de l’exportation des idées de la Révolution, des déclarations successives des droits de l’homme, de la pratique du français longtemps resté le langage universel de la culture et de la diplomatie(3).
- « Un Etat multiethnique mais assimilateur », vis-à-vis des habitants des provinces n’ayant pratiqué pendant longtemps que leurs langues régionales et dialectes locaux, vis-à-vis de l’immigration répondant dès le XIXe siècle à la chute de la natalité en plein boom de la révolution industrielle, au XXe siècle aux immenses pertes des conflits mondiaux suivies de la vigoureuse croissance des Trente Glorieuses. Assimilation réalisée par l’école, la conscription, les mariages mixtes, au nom d’un droit du sol(4) laissant s’installer un flux permanent de nouveaux venus, lesquels ont assez vite réussi à dépasser l’hostilité première à leur encontre.
Au regard des personnages inscrits dans l’histoire, tantôt les uns, les plus nombreux faut-il le préciser, par maladresse, incapacité, irresponsabilité, orgueil, sous l’effet de révoltes ou pour d’autres causes à caractère fortuit, ont conduit le pays au bord de l’effondrement comme en 1940, tantôt les autres de caractère mieux trempé tel un De Gaulle ou par la grâce de conditions plus favorables ont su être les artisans de sa grandeur jusqu’à en faire une grande puissance voire la première en Europe. Se voyant comme un modèle voué à illuminer le reste du monde la France a dès lors été confrontée à des coalitions guerrières de ses principaux voisins et ainsi de suite.
A la lumière des récents travaux historiques publiés sous forme de collectifs, ouvrages généraux, études, monographies et biographies et même s’il reste toujours des zones d’ombre, ce long résumé respecte scrupuleusement la chronologie plus ou moins largement enseignée à l’école. Dans un format concis et néanmoins complet, restant aussi neutre que possible, il se présente en 50 chapitres pouvant se lire séparément. Enrichi des généalogies monarchiques, de cartes géographiques à différentes époques, d’un index des noms propres, de données chiffrées qui le rendent encore plus consistant(5), c’est aussi une lecture captivante qui apporte un éclairage toujours intéressant sur certains personnages-clés, sur les événements les plus significatifs, l’ensemble s’efforçant de gommer des stéréotypes dépassés et de se dégager de l’imagerie d’Epinal.
(1) à l’exception du régime de Vichy
(2) dont l’étymologie signifie universel assorti d’une certaine hypocrisie aux regards de l’esclavage puis de la colonisation au nom d’une « mission civilisatrice »
(3) aujourd’hui pratiqué par les quelque 200 millions de locuteurs de la francophonie.
(4) voté en 1851 et partagé avec celui du Code Civil, partiellement modifié depuis
(5) par exemple entre la Révolution et la fin de l’Empire les victimes se sont comptées à moins de 20 000 pendant la Terreur, à plus de 300 000 au cours des guerres de Vendée, largement à plus d’un millions durant les guerres napoléoniennes dont il aura fallu une génération au pays pour s’en remettre.