Sainte-Souleur: Récits du presque pays
de François Racine

critiqué par Libris québécis, le 22 août 2019
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un Québec moribond
Ces récits de François Racine revisitent plus ou moins des événements significatifs survenus au Québec. Ils soulignent plus particulièrement la réaction des gens. Comment ont-ils vécu dans leur quotidien les faits qui les ont bousculés ? Même si la vie québécoise est parfois un calvaire, comme l’indique un autre titre de l’oeuvre de l’auteur, il faut tirer ses marrons du feu. À l’instar de Philippe Aubert de Gaspé dans Les Anciens Canadiens, Sainte-Soulard allie le document historique à la fiction pour plusieurs chapitres de l’œuvre. Curieux titre !

Les deux premiers récits rappellent les pendaisons qui ont marqué les débuts de la colonisation britannique. Crois en nous ou meurs semblait être la devise de l’Angleterre au Canada. Après des simulacres de procès, l’échafaud attendait les supposés fautifs. Ce fut le cas de la Corriveau accusée d’avoir tué son mari sous le joug de la sorcellerie. Pour éviter les lieux communs, Francois Racine a imaginé un personnage qui se serait attaché à la prétendue sorcière, dont le corps fut exposé pendant des semaines sur la place publique. Des germes de vie dans une histoire de mort. Et toute l’œuvre naît en général dans ces tunnels aux issus incertaines.

Avec le deuxième récit qui s’attarde au soulèvement des Québécois contre le régime anglais, on sent encore l’attachement du peuple aux figures qui ont contribué à l’Histoire des Canadiens français. À la prison où l’on les pendait, devenue plus tard une succursale de la SAQ (organisme d’État qui gère la vente du vin), un employé se souvient amèrement que son ancêtre y a laissé sa vie.

Le meilleur récit raconte qu’un descendant de Louis Cyr, l’homme fort de St-Félix-de-Valois, s’est rendu à Boston pour y écrire. Du muscle aux mots pour guérir son mal identitaire. Une identité qu’il veut apparenter à celle de Jack Kirouac. On the Road, pour ouvrir la voie à tous les possibles. Mais les chemins s’embourbent parfois dans des culs-de-sac. Si certains récits ressuscitent des gens disparus dans la disgrâce, d’autres suivent des chemins qui se buttent au désespoir. Sommes-nous d’une race en voie d’extinction ? L’avenir laisse songeur, surtout que l’œuvre se termine en anglais. D’ailleurs, le sous-titre, Récits du presque pays, ne soulève pas l’enthousiasme

Œuvre intéressante à l’exception du chapitre sur la masturbation chez les adolescents. Ce détour n’éclaire en rien la thématique. On note aussi la numérotation des récits. Laisse-t-on sous-entendre que l’auteur aurait choisi les plus pertinents d’un tout en voie de publication. D’ailleurs, c’est déjà commencé. Écrit avec efficacité sous la forme de ce qui pourrait être des contes, François Racine ne crée pas d’attente chez ceux qui sont encore attachés à ce que nous sommes comme communauté distincte dans une mer anglo-saxonne.