Boy Diola
de Yancouba Diémé

critiqué par CC.RIDER, le 15 août 2019
( - 66 ans)


La note:  étoiles
De Casamance à Aulnay sous bois
En juillet 2001, Aperaw, immigré sénégalais de première génération, revient au pays accompagné de ses fils dont l'auteur, Yancouba alors âgé de onze ans. Il veut leur faire découvrir leur terre d’origine, la Casamance. Ils séjournent dans le village natal du père, Kagnarou, en plein pays diola. Ils y restent le temps de découvrir un autre monde, bien différent de celui de la Seine- Saint-Denis où Aperaw est venu s’installer dans les années soixante. Ceci au terme d’un long parcours pendant lequel le jeune homme tenta d’abord sa chance à Dakar où il exerça quelques petits métiers peu lucratifs avant de réussir non sans peine à se faire embaucher sur un cargo en partance pour Marseille. Un membre de sa famille lui trouva finalement une place sur les chaînes de l’usine Citroën d'Aulnay sous Bois. Il y resta une dizaine d’années avant d’être renvoyé pour participation trop active à diverses grèves. Il tenta de rebondir comme marchand de bimbeloterie sur les marchés et termina sa carrière à l’entretien des avions sur l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Polygame, il était père de neuf enfants. Ses épouses travaillaient comme techniciennes de surface dans les hôtels de l’aéroport.
« Boy Diola » se présente comme le récit intimiste d’une vie d’immigré africain en banlieue parisienne, d’une lutte permanente pour la survie, la dignité et un avenir meilleur pour les enfants. Quelque chose au bout du compte d’assez banal car vécu par quelques millions d’autres subsahariens. Le lecteur ne peut qu’être rempli de compassion envers ce vieil homme qui, à la fin de sa « carrière », ne trouve plus de contrats d’intérim car trop vieux. Mais personne n’ose le lui dire ouvertement. Il découvrira aussi l’ambiance si exotique de la vie dans un village africain, et, entre autres, les méthodes « musclées » d’éducation des enfants. On use de la trique sans aucun complexe, la fameuse « chicote » ! Le récit n’est pas chronologique. L’auteur saute sans transition d’une période à une autre, raconte diverses anecdotes pas vraiment reliées les unes aux autres, le tout dans un style très parlé, très familier, sans recherche aucune. Un ouvrage qui pourra faire découvrir toute une communauté à celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, mais n’apprendra pas grand-chose à celles et ceux qui vivent avec.
Boy diola 6 étoiles

Diola : peuple d'Afrique de l'Ouest (Gambie, Sénégal, Guinée Bissau) essentiellement cultivateur, c'est aussi une langue nous dit Wikipédia.

Boy Diola, j'ai envie de le nommer "déraciné", celui qui vient de la Brousse et quitte tout pour un monde meilleur.

Le narrateur (l'auteur) nous raconte avec beaucoup de simplicité, de respect, d'amour et d'humour le destin de son père Apéraw, Boy Diola originaire de Kagnarou , un petit village de Casamance.

Ce premier roman débute en 2010, un bateau laisse des réfugiés sur une plage corse. Dans les yeux des naufragés Apéraw voit ceux qui ont fait le voyage avec lui en 1969. C'est une révélation pour son fils qui veut savoir et reconstituer le parcours de son père, lui qui croyait qu'il était arrivé en France par avion.

Il se souvient quand il avait onze ans, en juillet 2001, son premier voyage au pays natal d'Apéraw. La découverte de ses origines, de ses racines, la case au village, la précarité, la chaleur, les moustiques. Son père lui conte les us et coutumes et traditions, la rudesse de la vie d'agriculteur, d'un producteur d'arachides.

Apéraw est né en 1944. La date exacte, on l'ignore, c'est parfois le 31/12, le 01/01 ou encore le 08/04/44, c'est comme ça là-bas. Apéraw a grandi au village mais très vite il a voulu autre chose. Trouver du travail en ville, apprenti menuisier ou apprenti mécanicien, survivre à Dakar puis l'appel du large vers une vie meilleure. Au port guettant chaque bateau qui l'emmènera ailleurs, il saisit sa chance, quitte tout, ce sera la France.

On voyage dans le temps et dans l'espace avec ce récit sans réelle chronologie entre Paris et La Casamance. Arrivé en France, à Paris, Apéraw trouve du travail, d'abord manoeuvre puis ouvrier à la chaîne chez Citroën durant 14 ans jusqu'à son licenciement. La vie est dure mais jamais il ne baisse les bras, il est vaillant et travailleur, rebondit et veut le meilleur pour ses enfants.

C'est un récit intimiste sur la vie d'un déraciné, un témoignage puissant sur une autre culture, la construction d'une identité.

Une plume simple, fluide, proche de l'oralité non dénuée d'humour que nous propose Yacounba Diémé dans ce premier roman.

J'ai juste été un peu perturbée par le manque de chronologie, cela me semblait un peu décousu mais peut-être est-ce le but recherché, se créer une identité sur base d'éléments disparates.

Un joli témoignage qui nous permet l'ouverture sur une autre culture et un autre regard sur les déracinés. Touchant de sincérité.

Ma note : 7/10

Les jolies phrases

Comment peut-il avoir vécu à la fois à l'époque où l'on faisait griller la viande de cochon et celle de l'école coranique ? L'époque des accouchements dans la forêt et celle des premiers dispensaires ?

Si tu as peur de la forêt, toi tu peux pas devenir un homme. Le Diola il peut pas avoir peur de la forêt, si tu as peur comment tu vas faire pour vivre ?

Ne pas aimer nos produits ne revient pas à ne pas nous aimer.

Étudier pour aller où ? "Est-ce qu'on a attendu quelqu'un pour apprendre à manger ? Ils croient qu'on est bête mais laissez-les croire ce qu'ils veulent, nous on s'en four. Ce qui est dans notre tête c'est ce qui était dans la tête de nos pères, la vie c'est comme ça. Tu prends les choses dans la tête de ton père et tu augmentes.


Dans le temps, porter un costume c'était devenir quelqu'un. C'était l'orée de l'indépendance, de promesses de développement et des chimères.

On peut pas retourner dans la souffrance. C'est pour ça quand on sort on fait attention maintenant? ON peut pas retourner. C'est beaucoup la souffrance

Nathavh - - 59 ans - 19 août 2019