Les sentiers du vieux causse, tome 2: Griotte
de Raymonde Anna Rey

critiqué par Fanou03, le 14 août 2019
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
La fin de l'innocence
Le temps a passé depuis le décès de Gousta-Soulet. Frédéric, qui passait, enfant, toutes ses vacances sur le Causse, a décidé de s’installer comme berger dans la ferme des parents de Noémie, en compagnie de Griotte. Le mariage de Frédéric et de Griotte est l’occasion de joyeuses réjouissances dans le village, comme il n’y en a pas eu depuis longtemps. Tout cela débute donc comme un conte de fée : « ils se marièrent... », mais bientôt la vie simple et pure que mènent Frédéric et Griotte sera mise en danger par la venue d’un Loup ô combien ambitieux.

Le parti-pris de Raymonde Anna Rey est à ce propos assez édifiant : contrairement à ses habitudes, la figure qui incarne ce Loup n’a pas de nom, il n’est que le « Fils » des vieux voisins, eux-mêmes anonymes, de Frédéric et de Griotte, comme si l’autrice leur refusait toute empathie. Ce personnage, maléfique pourrait-on dire, vient corrompre le bonheur du jeune couple, à deux niveaux. Tout d’abord en amenant brutalement, dans le bruit et la poussière, les atours de la modernité, en rejetant le passé : la maison traditionnelle de ses parents est rasée au profit d’une habitation avec le confort moderne, le tourisme est privilégié au détriment de l’économie traditionnelle. Ensuite en prenant dans ses griffes de séducteur ce « Petit Chaperon Rouge » qu’est Griotte, et par là en mettant en danger les promesses représentées par l'installation du jeune couple.

Ce deuxième volume des Les Sentiers du Vieux Causse, après une première partie un peu longuette, prend donc un tour tragique, assez inattendu par sa violence et le drame qu’il dépeint, qui m’a mis met presque mal à l’aise. Raymonde Anna Rey y fait preuve d’une grande force, presque métaphorique. Elle s’inquiète de la prédominance de la société de consommation, qui assèche puis pervertit l’équilibre traditionnel des cultures et des modes de vie. Griotte sonne ainsi un peu comme la fin de l’innocence, à la fois de l’héroïne et de ceux qui rêvent à un « retour à la terre » idéalisée.