Révolution, Tome 1 : Liberté
de Florent Grouazel (Scénario et dessin), Younn Locard (Scénario et dessin)

critiqué par Blue Boy, le 18 avril 2020
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une ambitieuse épopée historique de "Ceux qui n'étaient rien"…
Paris, 1789. Alors que la colère populaire gronde, après des années de disette et de mauvaises récoltes, Louis XVI s’est résolu à convoquer les Etats généraux, un organe de consultation inusité depuis 1614. Le but : mettre en place une réforme fiscale pour assainir les finances et redresser le pays. Une initiative qui va soulever de grands espoirs, à la fois parmi la population et les membres du tiers-état, et qui, paradoxalement, va accélérer le mouvement révolutionnaire et la chute de la monarchie.

Cette année à Angoulême, la révolte s’est manifestée plus fortement chez les auteurs, mécontents de leur statut qui depuis des années n’a de cesser de les pousser vers une précarité toujours plus intenable. Cette colère a trouvé son point d’orgue lors de la venue du Président de la république dans la cité angoumoisine, et peut-être surtout dans l’attribution du Fauve d’or au premier tome de « Révolution », une trilogie ambitieuse qui nous plonge dans un des épisodes les plus denses et les plus violents de l’histoire de France, la Révolution française de 1789. Et si l’on sait trop bien que l’histoire se répète, le message avait le mérite d’être clair en ce XXIe siècle déjà bien entamé, après des mois de manifestations d’un « peuple invisible », celui des « champs et du chômage chronique », qui dût se vêtir de jaune fluo pour rendre sa rage plus visible, une révolte culminant en décembre 2019 avec la grève des salariés des services publics.

Reste à savoir si ce prix était mérité sur le seul fait que « Révolution », de par son sujet, créé une résonance troublante avec notre époque conflictuelle, où comme en 1789, les privilèges d’un petit nombre deviennent toujours plus obscènes dans un contexte de paupérisation sociale croissante.

Tout d’abord, on ne pourra faire autrement que de saluer le travail admirable des auteurs, quasi inconnus avant leur révélation par ce Fauve d’or. Florent Grouazel et Younn Locard ont mêlé ici leurs talents dans une production commune, tant par le scénario que par le dessin, parce que oui, tous deux savent manier le pinceau comme le stylo. Graphiquement, leur style est si proche qu’on a du mal à voir qui a dessiné quoi. Et finalement, c’est ce qui compte pour la cohésion d’un récit, mais qui en dit long sur leur relation visiblement très fusionnelle. Même si l’on ne trouve aucune bibliographie en fin d’ouvrage, on est obligé d’en déduire que les auteurs ont dû passer un temps non négligeable à rassembler documentation historique et iconographie d’époque. On ne peut être qu’impressionné par le sens du détail dont ils font preuve, tant dans l’architecture que dans les tenues vestimentaires. Très spectaculaires, les planches pleine page (la prise de la Bastille, l’assemblée constituante à Versailles, le peuple en révolte dans les rues de la capitale…) nous immergent littéralement dans cette ambiance révolutionnaire, et pour un peu, la bande dessinée aurait l’air d’époque dans sa tournure baroque.

La narration quant à elle, est extrêmement touffue, mais pour le dire plus crûment, on risque de s’y perdre, si l’on ne possède pas une connaissance minimum de la période. Bien sûr, on sait gré aux auteurs d’avoir inséré au début de chaque chapitre un résumé du contexte historique, mais cela ne suffit pas toujours à fluidifier la lecture. On aurait aimé avoir plus d’annotations pour aider le lecteur à appréhender les diverses circonvolutions scénaristiques. Certes, l’originalité de la démarche réside incontestablement dans le fait d’avoir mis en scène, en plus des personnages historiques, des gens du peuple, des anonymes, des « crève-la-faim », mais les protagonistes sont nombreux, et on parfois du mal à les identifier, la représentation des visages n’étant pas le point fort du dessin. Très souvent, les regards semblent se perdre dans le vide, ce qui peut apparaître gênant lors des dialogues, déjà surabondants, et donne un côté lunaire à certaines scènes.

Malgré ces quelques réserves, cette immersion au cœur de la Révolution française nous rend celle-ci très familière et nous apprend tout de même pas mal de choses sur ce chapitre historique incontournable pour tout citoyen qui se respecte. Par l’ampleur d’un tel projet, les auteurs forcent l’admiration, d’autant que l’on sent chez eux une grande sincérité et une envie de partager un thème qui visiblement leur tient à cœur. L’éditeur Actes Sud ne s’y est pas trompé, offrant à ce pavé de 320 pages (et il fallait bien un « pavé » pour un ouvrage traitant de révolution !), un tirage digne de ce nom.
Quelles frustration ! Quel gâchis ! 1 étoiles

La Révolution française est un sujet très complexe demandant à être exposé clairement. Les faits, les personnages, leur position, leurs actions doivent être présentés clairement pour éviter les confusions. Les interrogations sur le pourquoi et le comment historiques des divers faits émaillant cette période (et bien souvent en parallèle) sont suffisamment nombreux pour que le support ne soit pas lui-même source d'incompréhension.

Dans ce premier volume, après plus de cent pages, je n'arrive toujours pas à identifier les personnages, ni à savoir où ils se trouvent ni ce qu'ils font.
Heureusement les chapitres sont introduits par un texte plutôt bien fait qui apporte son lot d'informations mais cela n'est pas suffisant.
A préciser que j'ai déjà lu plus d'une dizaine d'ouvrages sur ce sujet et que je commence à avoir une idée de la chronologie des événements ainsi que des personnages et de leur rôle. Malgré ces quelques connaissances, je me suis perdu dans ces pages.

L'approche est très intéressante : elle se fait par le vécu de députés des différents ordres (du moins c'est ce que je pense avoir compris).
Le premier problème vient de ce que ces personnages ne sont pas présentés et qu'il faut deviner qui ils sont de par les endroits où ils se trouvent et ces endroits sont très difficiles à identifier.
Il en est de même pour les relations entre les personnes; De ce que j'ai compris il se trouve deux frères ayant des positionnements politiques différents. Je pense avoir compris qu'ils ne sont pas jumeaux mais je ne sais ni qui ils sont, ni quels sont leur prénom pas plus que leur nom de famille.

Cette approche est donc totalement inadaptée pour ce sujet très complexe.

Le dessin surchargé, manquant de précision (à certains endroits, je ne sais si c'est une robe ou un buisson, un personnage ou un morceau de bâtiment...), continue à créer et entretenir cette confusion.
Si le but est de montrer que cette période est très agitée, perturbée, c'est une réussite totale.
Si le but est d'apprendre quelque chose au lecteur c'est un échec total.

Le dessin n'est pas désagréable à l'oeil, les double planches sont plutôt jolies, plaisantes, et lisibles. Il est évident que les dessinateurs travaillent sur de grands formats mais le style choisi souffre de la réduction de la taille.
Tout comme l'approche n'est pas adaptée à cette époque, le style graphique adopté n'est nullement adapté à une oeuvre demandant de la précision.
Ces dessins ont besoin d'être vus en grande taille et auraient leur effet certain en étant présentés comme simple oeuvre graphique, mais ils n'ont en aucun cas leur place dans une BD demandant autant de rigueur que celle qui nous est présentée.
L'ensemble est quasi monochrome, rien ne ressortant, les personnages se confondant dans le décor, tout comme les détails du dit décor.

Il est évident qu'il y a eu un grand travail pour écrire le scénario.
Il est évident que les dessinateurs ont un savoir faire.
Il est tout aussi évident que ces choix sont malheureux car totalement inadaptés à l'intention et l'esprit de ces livres.
J'ai abandonné le livre à sa moitié, de peur de semer la confusion dans ce que je connais de cette période. Il est hors de question que je lise les opus suivants.

Généralement, lorsque je suis en désaccord avec un ouvrage, je me garde de donner une indication de lecture, mais cette fois fera exception. Si vous voulez découvrir les événements de la Révolution ou accentuer vos connaissances, il est impératif que vous fuyiez cette BD. Orientez-vous vers des réalisations plus "classiques".

Par contre, si votre objectif de lecture est de trouver une ouvrage original où le scénario vous est secondaire, alors tentez l'aventure car le graphisme et l'approche sont originaux.

Il m'en reste une grosse déception et le ressenti d'un grand gâchis.

J'ajoute une remarque après avoir déposé cette critique.
Je viens de voir des images de cette BD sur ordinateur. La perception est tout autre : le graphisme est plus lisible, plus contrasté, plus coloré.
Est-ce donc un problème d'impression ou alors les planches proposées sur écran sont-elles particulièrement choisies ?
Je vais peut-être essayer de trouver une version numérique.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 9 juillet 2023