Sous l'Averse en Mocassins
de Pierre-Alain Mercoeur

critiqué par Débézed, le 21 juillet 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Aphorismes tricotés à l'endroit
Avant de rédiger cette chronique, j’avais jeté un œil sur l’anthologie que Jean-Philippe Querton a consacrée à l’œuvre d’Achille Chavée dont je parlerai plus tard. Il y rapporte une citation d’André Stas qui m’a fait immédiatement penser à ce recueil de Pierre-Alain Mercoeur que je venais juste de refermer : « Les auteurs d’aphorismes saisissent l’instant, s’y confondent pour le confronter avec leur temps intérieur, le silence… ». J’ai tout de suite eu l’impression que cette définition s’appliquait particulièrement bien à cet auteur, il a su se dégager, sans y renoncer pour autant, du jeu de mots, du calembour, … pour rester au plus près de l’aphorisme tel que le définisse les auteurs qui font habituellement autorité en la matière. Je sais, le genre supporte mal l’autorité, le classicisme, l’exemple, … et se complait surtout dans l’invention, la créativité, l’inspiration mais il me fallait des mots pour exprimer ce que je pensais, alors…

« Le lecteur dans le tramway, cocher imperturbable malgré les cahots du transport, tient fermement les rênes de son livre ». Pas Possible, Mercoeur m’a suivi, il m’espionne ! En effet, un recueil d’aphorismes m’accompagne quelques fois dans les transports en commun, ça se glisse facilement dans une poche, on peut interrompre et reprendre sa lecture à n’importe quelle page… et ainsi j’ai découvert Pierre-Alain Mercoeur que je ne connaissais pas encore.

Comme je l’ai dit plus haut, j’ai tout d’abord remarqué son originalité, sa façon de raconter des bribes de vie en quelques lignes sans chercher à faire un jeu de mots ou un calembour mais plutôt à décrire à sa façon des situations insolites, incongrues, ou qu’il rend insolites, incongrues, dans sa description. Comme dit son éditeur : il tricote des aphorismes et, c’est moi qui ajoute, en mettant toutes ses mailles à l’endroit pour que ses phrases restent belles et souples, qu’elles montrent une réalité que son œil seul a vue. Il a le sens de la formule :

« La corbeille à papier déborde de mouchoirs froissés comme si ma santé ne trouvait pas l’inspiration. »

Il sait débusquer la puérilité de notre civilisation et captant ses petits travers, qu’il dénonce en détournant un réalité devenue trop commune pour attirer l’attention.

« L’homme s’est exercé sans le savoir pendant des siècles à faire défiler des images sur un écran tactile, en passant son doigt sur la couche de poussière. »

J’ai aussi apprécié ses traits d’esprit, ses raccourcis, ses formules, qui détournent un petit rien quotidien pour en faire une inspiration drôle, une image insolite, un quiproquo incongru…

« « Sans tes lunettes, je ne te reconnais pas sur ces photos » me dit-il, alors je lui tendis mes lunettes ».

Et puis comment ne pas évoquer cette poésie qui nimbe de nombreux textes de ce recueil.

« Un verre d‘eau posé au pied du lit où viennent s’abreuver la nuit tous les petits animaux de ma solitude ».
« Le soleil qui s’éponge le front avec un nuage ».