La saison des Bijoux
de Éric Holder

critiqué par Alma, le 27 juin 2019
( - - ans)


La note:  étoiles
Réglements de compte à OK Carri
La saison des Bijoux. Tiens ! Une majuscule au nom bijoux !
Eh oui, Bijoux est le nom ou plutôt le surnom donné par leurs collègues à une famille de marchands saisonniers venus « faire une saison » c'est à dire s'installer pour l'été à Carri, petite bourgade en bordure d'Atlantique envahie en juillet et août par une foule d'estivants, pour y vendre des bijoux d'artisanat.
Un couple dont la présence va remettre en question le système d'attribution occulte des emplacements soumis au libre arbitre du cafetier du village : l'arrogant Forgeaud « spécimen formidable des principaux traits du génie français , la roublardise, le cynisme et la félonie »
Quand celui-ci est vertement et brusquement éconduit par Jeanne, l'épouse qu'il a draguée lourdement, sûr de son plein droit sur celle qui lui apparaît comme « une playmate, un avion de classe, une antilope échappée du paradis d'Allah », la guérilla est ouverte …..
Qui en sortira vainqueur ? Les Bijoux ou Forgeaud ? La proie ou le prédateur ? Jeanne, soutenue par son époux et par la micro-société soudée que forment les autres commerçants forains, ceux que Forgeaud désigne du terme méprisant de « baltringues » ou « l'infâme » qu'ils aimeraient écraser ?

Si les épisodes de leur face à face constituent la trame du roman , son intérêt vient surtout du regard caressant et plein d'humanité que Eric Holder jette sur la communauté de ces marchands saisonniers, « une oasis d'humanité au milieu des icebergs » où flotte un « esprit libertaire » , où règnent fraternité et solidarité.
Nul doute que je regarderai désormais autrement ces commerçants lorsque j'aurai l'occasion d'arpenter les marchés cet été …...
Une communauté riche de personnages désignés par leurs surnoms, ce qui les rend plus proches du lecteur : Stipule , Savonate, Old Chap, pour ne citer qu'eux ( on s'y perd parfois, tant ils sont nombreux ) . Certains sont juste des figurants, mais certains seconds rôles présentent des personnalités attachantes , dont l'auteur se plaît à fouiller l'étude. Je pense en particulier au « céleste et providentiel » Virgile , dont « la passion est de choyer les autres ». Je n'oublie pas les premiers rôles : le couple des Bijoux : Bruno, solide et déterminé, comme « enchaîné » à Jeanne, la belle, la lumineuse, la mystérieuse aussi, celle dont on avait l'impression que le soleil la suivai.
Comme dans un wester les bons vont affronter la brute, le truand Forgeaud .

Une histoire un peu manichéenne , me direz-vous ….
Je vous le concède,mais leur affrontement est le prétexte à ce roman généreux, un peu baroque, plein d'un charme discret distillé par la plume sensorielle d'Eric Holder qui a l'art de nous faire goûter à la douceur des choses, à la saveur d'un casse-croûte mangé sur le pouce en compagnie d'amis ou aux vibrations de la lumière un soir d'été.
La femme aux bijoux 8 étoiles

Bruno et Jeanne sont des artisans, créateurs de bijoux, qui choisissent pour la saison estivale à venir, de quitter leur région des Monts du Lyonnais pour découvrir la côte landaise. Après un accord de la maire de Carri, ils arrivent avec leur fourgon bien rempli, accompagnés de leur fils Alexis et de leur ami Virgile dans son originale BMW à l’intérieur rose.
Comme de coutume, Bruno commence à chercher le placier mais "on" l’envoie se renseigner auprès de Forgeaud, le patron du café. Celui-ci les regarde arriver, et -malheureusement pour tous-, ressent un véritable coup de foudre pour Jeanne. Bruno découvre un homme odieux, tout-puissant sur le marché, attribuant les places selon son bon vouloir, dans l’allée principale... ou au bout du marché près des toilettes.
La tension entre les deux hommes attire l’attention tant le cafetier est haï ; mais pervers car presque tous lui sont redevables et tiennent à garder leurs emplacements même si cela doit leur coûter une surtaxe pour "la caisse de communauté" que Forgeaud garde précieusement dans son coffre-fort.

Sur ce marché de près de 400 emplacements en pleine saison, il a les "anciens", les pérennes, comme Nanou Primeurs et son fils Neptune, les saisonniers annuels, et les nouveaux, ceux qui ne sont là que pour une saison. Tous ont des histoires différentes, souvent des chemins de vie chaotiques que l’on découvrira au fil des pages.

Eric Holder présente une (grande) galerie de personnages pour la plupart très sympathiques, autour du couple charismatique des Bijoux et quelques "méchants" gravitant dans le sillage de l’infâme Forgeaud. Et c’est peut-être le reproche que je ferais à ce roman. Les personnages manquent de nuances, le méchant, même quand il aime, arrive à salir l’amour, que ce soit pour une femme ou son fils.
J’ai cependant apprécié cette balade estivale sur un marché qui était, quand mes enfants étaient jeunes, un incontournable des vacances. Ces marchés où l’on découvre le produit de l’année (cette année, sans surprise, vente de masques tous les 10 mètres !), mais aussi les marchands de primeurs, les vendeurs de "babioles" . Mais, pour avoir un ami placier, je sais que derrière les sourires des chalands, règnent parfois des tensions entre les différentes catégories.
Le livre idéal pour l’été. Sympathique et facile à lire. Et, même si je le trouve bien différent des cinq autres titres de l’auteur, on retrouve son attachement aux plages du sud-ouest, ses descriptions poétiques des paysages comme des couchers de soleil.

Marvic - Normandie - 65 ans - 25 août 2020


"Qui sème des fleurs récolte des bouquets ! " 10 étoiles

Éric Holder (1960- 2019) est un romancier français.
Trois de ses romans ont été adaptés au cinéma: "Mademoiselle Chambon", "L'Homme de chevet" et "Bienvenue parmi nous".
"La saison des Bijoux" paraît en 2015.

Jeanne et Bruno, camelots lyonnais, décident de "faire la saison" sur la côte atlantique, direction le marché de Carri (Médoc). Joindre l'utile à l'agréable, rentabiliser un séjour balnéaire avec leur fils Alexis.
Mais l'accueil réservé aux "continentaux" ne sera pas aussi chaleureux qu'attendu.
Forgeaud, restaurateur installé, ancien camelot de Carri, a instauré ses propres règles, rançonnant les camelots et usant de méthodes douteuses pour attribuer les meilleures places et excluant certaines nationalités.
Forgeaud qui s'est juré de "conquérir" Jeanne car rien ne peut être refusé à un ancien agriculteur.

C'est le monde des marchés ambulants, des camelots, qui est au centre de ce magnifique roman.
Les règles (l'ancienneté prévaut), la langue (crue, sans fioritures), les clans mais aussi une grande solidarité.
Eris Holder oppose les anciens à la nouvelle génération.
L'installation d'un marché comme un théâtre avec le levé de rideau (l'installation des tentes, des parasols, des tables, ... ), la représentation (la vente aux chalands) et le remballage.
Comme dans tous les romans d'Eric Holder, poésie, tendresse, sensualité et amitié viennent planter le décor.
La femme est magnifiée (Jeanne), l'auteur en étant aussi amoureux que ses personnages masculins....
Ne passez pas à côté de ce magnifique roman écrit pas un romancier "à fleur de peau".
Un moment de lecture magique !

Frunny - PARIS - 58 ans - 29 juin 2020