Les dessins de Baudelaire
de Jean-Paul Avice, Claude Pichois

critiqué par Sahkti, le 23 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Baudelaire en dessins
Si le tourment est une notion omniprésente dans l’œuvre poétique de Baudelaire, indéniablement la retrouve-t-on dans ses dessins, des esquisses et coups de crayons rapides sur un morceau de papier, quelques traits vifs et instantanés traduisant l’humeur du moment ou l’air du temps. Baudelaire n’est pas peintre, il est poète et écrivain et ses dessins traduisent des mots, des idées, ils sont parlants, un peu comme des écrits animés. Ce sont pour la plupart des croquis un peu maladroits, improvisés, inattendus, fixant sur papier le portrait d’amis, de lui-même ou de parfaits inconnus.
Claude Pichois et Jean-Paul Avice ont eu l’excellente idée de réunir 39 compositions dessinées baudelairiennes, à savoir 23 dessins inédits (supplémentaires à ceux de l’édition Jacques Crépet chez Gallimard en 1927, livre rarissime de nos jours) et seize portraits plus connus.
Ces dessins sont présentés parallèlement avec la biographie et les écrits de Charles Baudelaire, certaines esquisses figurant d’ailleurs dans les marges des manuscrits telles ces annotations dans nos cahiers étudiants.
Claude Pichois et Jean-Paul Avice infirment également le lecteur des doutes qui subsistent quant à certains dessins, parfois trop hâtivement attribués à Baudelaire.

Si les portraits de Jeanne Duval ou de Courbet peuvent étonner par leur originalité (on reconnaît à peine Courbet dans ce profil atypique), ce sont surtout les autoportraits de Baudelaire qui m’ont touchée. Des représentations dans lesquelles apparaissent les changements qui marquèrent physiquement le poète pendant les 25 dernières années de sa vie et surtout un regard, perdu, haineux, méfiant, troublé, triste ou songeur. Tout passe dans un regard et le coup de crayon de Baudelaire a su fixer l’émotion et l’intensité qui s’en dégagent. Poète il l’était, peintre aurait-il pu, peut-être. Ce n’est pas pour rien que cette phrase de Paul Valéry est couramment citée : "Il s'applique à représenter ce qu'il veut. Les peintres qu'il fréquente et qu'il admire sont des observateurs et des volontaires : Daumier, Courbet, Manet, Guys. Il eût été l'un des leurs, si d'autres dons plus impérieux et bien différents ne l'eussent contraint à se faire grand poète."