Le Moulin sur la Floss
de George Eliot

critiqué par ALF, le 23 juin 2004
(Ondres (40) - 43 ans)


La note:  étoiles
Haine et bêtise humaine dans une Angleterre vieillissante
Quel plaisir de se plonger dans la littérature d’outre-Manche, et plus particulièrement sur les nombreux livres apparemment dépouillés et qui cachent en réalité une critique acide des mœurs d’une époque révolue ! Bref on découvre tout simplement ici l’amour destructeur liant un frère et une sœur dans l’Angleterre rurale et Victorienne. Oui, mais ce roman paru en 1860 surprend car il est divisé en plusieurs chapitres majeurs retraçant l’évolution complète des deux enfants de la famille Tulliver, et ce de leur tendre enfance à leur cruelle vie d’adulte. Ils emprunterons des parcours différents voire même opposés, et ne se réuniront hélas que dans la mort. Prise au piège d’une société qui juge tout mais ne pardonne rien, la somptueuse Maggy va se retrouver progressivement délaissée puis conspuée par un monde qui n’accepte pas les sentiments profonds et les femmes passionnées… C’est donc parce qu’elle désire simplement vivre pleinement son existence sans refréner ses émotions que notre jeune héroïne ne s’attirera que la méchanceté et le mépris de gens qui s’évertuent à appliquer bêtement des valeurs idiotes et dépassées. Si l’accent semble cette fois-ci avoir été mis sur les différences de traitement accordés aux gantes féminines et masculines, il apparaît pourtant plus que difficile de ne pas rattacher ce fort beau roman au non moins célèbre Tess de Thomas Hardy, tant le lecteur se retrouve frappé par l’incompréhension et la stupidité d’un monde hautain et finalement très éloigné de ses valeurs initiales. Rappelons simplement pour conclure que l’auteur, une femme elle aussi, a été chassée des hautes sphères intellectuelles britanniques et reniée par sa famille et ses proches pour avoir osé divorcer et se remarier… Comme quoi elle maîtrisait hélas son sujet…
« Dans la mort ils ne furent pas séparés. » 10 étoiles

Vers 1830, un petit garçon et une petite fille grandissent dans la campagne anglaise auprès de leurs parents, propriétaires d’un moulin. Très attachés l’un à l’autre, les deux enfants ont pourtant des personnalités totalement différentes. Au naturel passionné et tendre de Maggie s’oppose le caractère ferme et pragmatique de son frère Tom. Ces différences vont mettre à l’épreuve leur affection, d’autant plus que Tom, seul fils du meunier, est envoyé en pension pour s’instruire. Puis les enfants grandissent, la ruine s’abat sur la famille Tulliver et chacun réagira en fonction de sa nature profonde. Dans le malheur, frère et sœur resteront-ils soudés comme autrefois ?

Le résumé que je vous livre paraît bien insignifiant au regard de cet immense chef d’œuvre ! En réalité, « Le Moulin sur la Floss » est à la fois une histoire de famille, une fresque sociale et une étude psychologique, tant ses personnages sont divers et pleins de relief. La bourgeoisie d’affaires, le clergé et le monde agricole y sont étroitement liés. On y trouve aussi des histoires d’amour et un magnifique portrait de femme, celui de Maggie Tulliver, en qui George Eliot se retrouvait sans doute un peu. Mais le motif principal du roman est à mon sens l’amour fraternel ; c’est pourquoi un tiers du livre relate l’enfance de Tom et Maggie avec des scènes si vivantes, si touchantes qu’on se prend d’affection pour ces petits Anglais d’autrefois.

George Eliot (1819-1880) mérite largement son statut de monument littéraire anglais. A l’époque, la reine Victoria comptait parmi ses fervents admirateurs ; mais ces romans ont une puissance universelle qui nous bouleverse encore aujourd’hui. Et quelle écriture ! Le style en est à la fois intimiste, enjoué et émouvant. Même si j’ai beaucoup aimé « Middlemarch », je placerais « Le Moulin sur la Floss » encore plus haut sur les sommets de la littérature mondiale.

Pierrequiroule - Paris - 43 ans - 24 août 2014