Les Ponts
de Tarjei Vesaas

critiqué par Sahkti, le 22 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Les ponts de la vie
Etrange texte dont il est difficile de parler sans raconter toute l’histoire. Torvil et Aude ont 18 ans, ce sont des amis d’enfance, leurs parents ont construit des maisons jumelles afin de pouvoir vivre côte à côte ; ils nourrissent le rêve que leurs enfants se marient ensemble, histoire de prolonger cette vibrante amitié. Un jour de promenade dans la forêt, Aude et Torvil se retrouvent face à un drame (dont je ne veux rien vous dire) qui va bouleverser toute leur vie. Une rencontre va prendre une place très importante dans leurs destinées et les pousser à affronter leurs querelles identitaires. Dix-huit ans, un âge charnière en ce qui les concerne, pas vraiment adulte mais plus tout à fait enfant. De face à face en questionnements intérieurs, Aude, Torvil et Valborg (la troisième protagoniste du roman) se découvrent et tentent d’avancer dans leur vie, cahin-caha.

C’est une histoire pesante, l’atmosphère très intimiste est lourde et parfois étouffante. Heureusement que Tarjei Vesaas est un expert de l’économie de mots, les dialogues sont lacunaires, les faits à peine évoqués, car cela permet de respirer un peu tant les ambiances sont oppressantes. Ces deux jeunes en apparence insouciants (un rythme de vie réglé, sans anicroche, un destin cousu de fil blanc) éprouvent de vives souffrances existentielles qui sont admirablement bien traduites par les ambiances et les décors : une forêt sombre et devenue source de mystère malgré les années passées à s’y balader, une succession de ponts symbolisant ce passage douloureux entre l’adolescence et le monde des adultes, des parents omniprésents tout en étant complètement invisibles… Un style épuré, et en même temps, un roman tellement chargé de symboles et d’interrogations, de pistes à suivre vers lesquelles nous guide l’auteur sans jamais nous y emmener tout à fait. C’est un roman très riche à méditer longuement après l’avoir refermé, des réponses apparaissent les unes après les autres, permettant d’y voir plus clair après coup, car pendant le récit, c’est nébuleux et parfois irrespirable.