Jelly Bean
de Virginie Francoeur

critiqué par Libris québécis, le 1 juin 2019
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Bar de stripteaseuses
Virginie Francoeur n’y va pas avec le dos de la cuillère pour décrire l’univers glauque dans laquelle baignent de jolies jeunes femmes qui veulent s’élever au-dessus de la mêlée rapidement en devenant stripteaseuses. Les hommes qui les traînent dans cette voie leur promettent mer et monde. De l’argent vite fait, des cadeaux princiers de la part de riches clients de passage à Montréal. Voire un amour comme il n’en existe pas deux. L’esprit de révolte chez les unes comme la pauvreté chez les autres nourrissent la crédulité de celles qui veulent atteindre l’inaccessible étoile. Et c’est ainsi qu’elles embarquent, aller simple, pour un voyage aux enfers.

On pourrait de prime abord croire que l’auteure se prête délibérément à de la provocation pour s’attirer un lectorat friand d’aventures juteuses. Hélas, la réalité corrobore ce qu’elle livre. Tous savent maintenant que ces marchandes de sexe ne font pas seulement que s’enrouler autour d’un poteau. L’entrejambe n’a de valeur pour les clients ivres que si le G-string tombe comme par enchantement. Et c’est sans compter les exigences de certains pervers dont les pratiques sexuelles sont fort dégradantes.

Il faut ajouter à la panoplie de ce monde interlope, l’usage de l’alcool et de la drogue, en particulier de l’ecstasy, les jelly beans du titre. De sang froid, il est bien difficile d’affronter les affres du métier de stripteaseuse, surtout quand il se double de ceux du plus vieux métier du monde. Les hommes qui les soutiennent font miroiter un monde merveilleux à ces femmes crédules à qui on offre des voyages à Miami afin de goûter aux plaisirs d’un buffet à saveur érotique exacerbée.

Le tableau peint par l’auteure est fort répulsif. Elle ne s’y complaît pas. Son but premier vise à débusquer les dangers qui attendent les jeunes femmes qui se font encore exploiter malgré la richesse du monde dans lequel elles pataugent. C’est en somme une alerte qu’elle sonne pour ses consœurs aux prises avec le mal de vivre. Peu importe le milieu d’où l’on vient, chacune peut succomber dans les rets des profiteurs comme elle le démontre à travers son personnage d’Ophélie, issue du collège huppé des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie situé à flanc de montagne dans le quartier le plus cossu de Montréal.

Le lecteur vivra de l’intérieur la dure réalité à laquelle sont soumises les stripteaseuses. Pas de faux-fuyants. Les crosseurs (malfaiteurs) se sont déguisés en princes charmants poussant leurs victimes dans des coups fumeux, comme celui qui vend à la Chine des boules de Noël farcies de poudre illicite. Sexe et drogue, méchant cocktail qui ruine des vies, voire qui pousse au suicide.

L’écriture endiablée de Virginia Francoeur est bien adaptée à ce monde infernal. Son roman s’applique à détruire les rêves des jeunes femmes qui s’imaginent vivre un jour dans un jardin de roses. L’auteure va droit au but avec une langue populaire qui pourrait en décrisser (décoiffer) quelques-uns. L’écriture, c’est sa vie, dit-elle. Son premier envol est réussi.