Là où les chiens aboient par la queue
de Estelle-Sarah Bulle

critiqué par Psychééé, le 16 mai 2019
( - 35 ans)


La note:  étoiles
Un beau voyage en Guadeloupe
"Nous les Antillais, nous avons toujours su nous adapter, pas vrai ? De la case d'esclaves aux HLM, nous savons ce que signifie survivre. Mais de communauté soudée, tu n'en trouveras pas. " Ainsi s'exprime Antoine, la tante d'Eulalie, jeune métisse trentenaire qui a grandi en banlieue parisienne.

Dans ce roman choral, Antoine, Lucinde et Petit-Frère lui racontent les années passées à Morne-Galant, un trou perdu en Guadeloupe, avant de partir pour Pointe-à-Pitre. Leur quotidien, le commerce en pleine mer des Caraïbes, les difficultés rencontrées... Et puis le départ en métropole, comme une évidence. Estelle-Sarah Bulle parvient à nous emmener avec elle sous ce soleil de plomb avec un talent de conteur imparable - surtout à travers les récits d'Antoine, personnage haut en couleurs ! - où se mêlent joyeusement français et créole ! Elle nous fait découvrir un pan de l'histoire antillaise des années 40 aux années 90. Et son histoire, c'est aussi celle de tous les Antillais qui ont dû s'exiler en métropole. Un beau voyage en Guadeloupe !
cœurs caraïbes 10 étoiles

Dans une langue coulant comme du miel, un délice, Estelle-Sarah Bulle nous conte, par le truchement d’une narratrice intitulée "La Nièce", les heurs et malheurs d’une famille guadeloupéenne. Son père, surnommé "Petit-Frère", ses deux tantes, Lucinde et Antoine (sic !), sont tous venus en métropole dans l’espoir d’une vie meilleure ou pour fuir une société arcboutée sur des principes surannés, où la couleur de la peau sert de statut social en lieu et place du mérite. Derrière la légèreté apparente du propos, et les histoires captivantes contées par des personnages au destin hors du commun, acharnés à trouver un peu de bonheur contre vents et marées, se dessine une critique en règle de la "créolité". Loin des clichés-bonheur associés à la vie sous les tropiques, que nous délivrent à l’envi séries-télé et officines touristiques, c’est à un constat amer que se livre l’auteure à travers cette saga familiale s’étalant sur soixante années d’histoire guadeloupéenne. Le personnage de "Petit-Frère", qui parvint à se réaliser pleinement dans son métier d’infirmier en psychiatrie, ressort avec bonheur, lui qui n’a eu de cesse de concilier créolité et indépendance d’esprit. Un vrai bonheur de lecture…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 17 octobre 2022


La transformation sociale de la Guadeloupe 8 étoiles

Dans les années cinquante, la transformation progressive de la société martiniquaise avec l'arrivée des échanges commerciaux avec la France. Ces échanges qui vont essentiellement dans un seul sens, détruisent le fonctionnement quasi autarcique de l'île, chamboulent les croyances, la culture, les modes de vies et conduit à l'émigration vers la métropole de ceux qui ne trouvent plus leur place chez eux et espèrent un monde meilleur en partant vers la France.
Tout cela est vécu à travers l'évolution des membres d'une famille sur deux générations.

Un roman qui m'a intéressé par son thème. Le narrateur décrit l'évolution dans le temps de chaque personnage, elle a pris l'option de ne pas mêler les destins dans la même écriture : elle se consacre à un seul personnage par chapitre, y revenant régulièrement au fil du temps. Cela permet de passer un moment avec chaque personnage, comme si on allait chez l'un puis chez l'autre puis de revenir pour une nouvelle visite, ce qui donne beaucoup d'humanité à l'ensemble.
L'auteur se sent un peu un invité auprès de chacun, entrant chez lui pour passer un moment, plutôt qu'un simple spectateur.

Je n'ai aucun remarque sur l'écriture, c'est donc qu'elle ne m'a pas gêné dans la lecture mais que je ne lui ai pas trouvé non plus d'originalité particulière, ce qui n'est nullement une critique.

C'est un récit soigné qui mérite d'être lu pour saisir comment cette région a été profondément modifiée parle développement des échanges commerciaux accroissant sa dépendance à la métropole.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 1 mars 2020