Le cycle du cheval suivi d'Accords de António Ramos Rosa

Le cycle du cheval suivi d'Accords de António Ramos Rosa

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Septularisen, le 15 mai 2019 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 6 étoiles
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«Et ta langue s'enivre de saveurs aussi vertes que les pommes de l'enfance des tantes et des aïeux».

«La lumière et la nuit»

Ici la lumière élabore ses plans
dans la tache du silence et la nuit
se met à parler aux portes. Voici le temps du corps,
le bois de l'ombre. De l'obscurité
montent des cordes transparentes, des violons
d'herbes, un tournoiement d'ailes
à contre-jour. Quelqu'un expulse
son image du miroir et l'oblige à se faire nuage.
L'ignoré est devenu la rose du midi.

Pratiquement inconnu dans nos pays António RAMOS ROSA (1924 - 2013), est pourtant l’un des très grands poètes de la seconde moitié du XXe S. dans son pays, le Portugal. Avec, entre autres, Herbert HELDER (1930 – 2015), Eugenio De ANDRADE (1923 – 2005). Sophia de MELLO BREYNER ANDRESEN (1919 – 2004) et Nuno JUDICE [(*1949) le seul encore parmi nous au moment où j’écris ces lignes], il a fait partie de cette «génération dorée» de la poésie portugaise, qui connut sa plus grande heure de gloire après le retour de la démocratie au Portugal (1974).

Ce recueil est composé de deux livres de l’auteur portugais, «Le cycle du cheval» daté de 1975 et «Accords» daté de 1989. On peut donc dire que le premier recueil est l’œuvre d’un poète parvenu à la pleine «maturité» de son art, puisque comme son pays, celui-ci a retrouvé la liberté… Alors l’autre est un recueil de la «sagesse» de l’écrivain, puisque écrit après plus de 40 ans de carrière.

«Le cycle du cheval» n’est pas à proprement un recueil de poèmes écrits au hasard de l’inspiration, mais une suite de variations sur un thème donné à l’avance. RAMOS ROSA utilise ici son instrument privilégié, la métaphore, dont il renouvelle l’usage. Le cheval est ici la figure de l’homme… Force tranquille, qui par ses formes, ses allures, ses sabots. ses hennissements, suggère des comportements humains. Il devient comme lui, vertueux, fougueux, fier, conquérant, insoumis, impatient… Mais aussi tranquille, équilibré, apaisé, libéré… Une double occupation de l’espace en quelque sorte, charnelle et spirituelle…

Qu'est-ce que construire un corps où n'existe
que la mémoire du soleil ? C'est presque la terre ferme.
Presque le dos de la terre, l'eau qui ouvre le regard.
Mais le cheval avance, le regard est grand ouvert.

Je suis un peu de mer entre deux collines, je suis
le bois et la sève de l'arbre sous des décombres,
je suis le cheval fourbu et obstiné au sommet
de la colline morcelée et de la gorge ouverte.

Entre des genêts et des pierres je suis un corps construit
par le paysage nu, je suis quasiment un souffle complice
de la simplicité absolue,
de l'ample respiration de la pure altitude.

Qu'est-ce que construire un corps dans le paysage
avec la mémoire du soleil sous le plafond bas des nuages ?
Je suis une force féroce, avec un cheval en arrêt.

Dans «Accords», RAMOS ROSA revient à la création d’une poésie foncièrement heureuse écrite par un homme foncièrement… Désespéré! Il y a aussi beaucoup de métaphores. C’est la poésie d’un écorché vif, une vision tragique du monde avec parfois des «éclairs» de bonheur, des cris de souffrance qui accèdent soudain à la plénitude. Une sorte de rêverie, qui nous plonge dans un monde imaginaire chatoyant. On y éprouve p. ex. les sensations physiques de la caresse du souffle du vent. On pourrait la comparer à la poésie d’Yves BONNEFOY (1923 – 2016), en France.

«Les amants»

Je cherchais un lieu aux formes végétales,
un lieu ou bien le monde, un horizon, un bois,
la gloire souveraine de la mer et, parmi de futures étoiles,
le corps plein de sources parmi les vents du large
et son nom, le cantique de la terre, le cantique de la mer.
Oui, j’aimais la lumière avec violence et douceur
et avec la pierre du vent je déchirais l’espace.
Les dents serraient le présent, l’amant s’abreuvait
des yeux grands ouverts du monde. L’amante était l’air et le feu,
le recommencement. Lui, il embrasse les îles de sa poitrine,
éveille la tempête de ses hanches. La mer renaît
avec sa véhémence et son message de néant,
et les corps s’apaisent entre l’ombre et l’écume.

Voilà, il n’y a pas grand-chose à ajouter de plus… Un livre idéal pour partir à la découverte du grand poète portugais.

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