Les métamorphoses 1858 - T1 : Tyria Jacobaeae
de Alexie Durand (Scénario), Sylvain Ferret (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 12 mai 2019
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Des cyborgs dans la rue Morgue
Paris, 1858. En l’espace d’une semaine, trois jeunes femmes des quartiers populaires disparaissent mystérieusement. Lorsque le jeune frère d’une disparue contacte le détective Stanislas Andrzej, celui-ci y voit une aubaine financière et accepte d’enquêter, contre l’avis de son ami chirurgien Joseph. De plus, les choses prendront une tournure effrayante quand le corps d’une des victimes sera repêché dans la Seine, entièrement vidé de ses organes…

S’il y a au moins quelque chose de réussi dans cet ouvrage, c’est la couverture, aussi belle qu’inquiétante, qui attire l’œil et donne envie de découvrir le contenu. Dans des tons rouges et verts étincelants est représentée en plan buste une jeune femme dans une tenue Second Empire, la tête et le corps en partie rongés, laissant apparaître les os et les organes…

En ce qui concerne les deux auteurs, il s’agit d’une première bande dessinée. Amatrice de science-fiction et de romans policiers, Alexie Durand a toujours écrit pour le plaisir. Sylvain Ferret, lui, tient son inspiration aussi bien dans la BD franco-belge que dans les comics ou le manga.

Tout cela pourrait assez bien résumer ce premier volet des « Métamorphoses 1858 », nouvelle série policière horrifique proposée par Delcourt. Pour ce qui est de l’atmosphère, on est projeté dans un univers à la croisée de Jules Verne et Gaston Leroux. Sylvain Ferret possède une patte, et son dessin, extrêmement léché, foisonne de détails. On peut admirer un Paris d’époque représenté de façon très réaliste. Le jeune dessinateur sait user de perspectives variées, conférant un certain dynamisme au récit. De même, la mise en couleurs, également signée de ce dernier, est très réussie, comme la couverture pouvait le laisser supposer. Si la performance technique est incontestable, ce niveau de perfectionnisme dégage en contrepartie une certaine froideur académique, excluant toute digression poétique.

Le scénario maintenant. Force est de constater que cette enquête policière met un certain temps à démarrer. Le lecteur, à défaut d’être franchement captivé par ces étranges disparations de jeunes femmes d’un quartier populaire, peut toutefois être charmé par l’atmosphère Second Empire du récit. Alexie Durand s’efforce de ménager ses macabres effets, prend le temps de développer le contexte de l’enquête et la psychologie des personnages. Du moins dans la première partie. Ainsi, on s’interroge, lorsqu’au deux tiers de l’histoire, apparaît de façon grand-guignolesque cette espèce de cyborg cauchemardesque qui tente d’assassiner Stanislas. D’accord, on s’en doute bien, il y a une machination derrière tout cela, et quelqu’un veut à coup sûr dissuader notre héros-détective de poursuivre son enquête. Mais ce changement de registre brutal, du « pas assez » au « trop », peine à convaincre, peut-être aussi à cause de cette sensation de déjà-vu.

Ces « Métamorphoses 1858 » ressemblent un peu à une recette alléchante sur la photo, à laquelle on aurait oublié d’adjoindre le sel et les épices… C’est donc un petit arrière-goût de déception qui subsiste après lecture de ce premier épisode. Néanmoins, on est en droit d’espérer que la suite parvienne à nous surprendre davantage.