Le Dieu vagabond
de Fabrizio Dori

critiqué par Blue Boy, le 12 mai 2019
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Le vin divin du devin
ATTENTION CHEF D’ŒUVRE !
Mais qui est donc cet étrange personnage prénommé Eustis, qui dort dans un champ à la lisière de la ville et que l’on dit devin ? Il raconte, paraît-il, à qui veut bien l’entendre, des histoires magiques qui résolvent les problèmes. Ce qui l’aide à survivre, c’est la dive bouteille, souvenir d’un glorieux passé lointain où il faisait partie de la cour de Dyonisos…

Avec cette nouvelle publication des éditions Sarbacane, préparez-vous à en prendre plein les mirettes ! De très belle facture avec dos toilé et vernis sélectif (ce qui n’est pas surprenant quand on sait que l’éditeur est autant attaché au contenu qu’à la forme), doté d’une couverture splendide, cet album très personnel de l’italien Fabrizio Dori est à la croisée de l’art et de la littérature.

« Le Dieu vagabond », c’est une sorte de road trip mystique, où l’on suit la quête d’un satyre échoué dans le monde des humains, après avoir été puni par la déesse Artémis pour avoir pénétré dans son royaume en pourchassant une nymphe. Désormais alcoolique et à la rue, Eustis, ce dieu « inférieur », désormais simple clochard céleste, doit partager le triste quotidien des humains, dépourvu de la magie qui régnait jadis sur le monde avant que les dieux de l’Olympe ne soient remplacés par le nouveau dieu unique. Bientôt, il va se voir confier une mission par Hécate, la sœur d’Artémis. Cette mission pour le moins délicate consistera à sceller les retrouvailles de Séléné et de Pan, ce dernier étant mort trop tôt pour faire ses adieux à la déesse, sœur d’Artémis et d’Hécate. La récompense promise s’il réussit : se retrouver lui-même tel qu’il était et mettre ainsi fin à son long exil. C’est ainsi qu’équipé de son baluchon, il va prendre la route en compagnie d’un vieux professeur très myope.

Graphiquement, c’est une pure merveille. Fabrizio Dori nous enchante littéralement en jouant avec les styles et les couleurs, au risque de paraître trop disparate. Il y a pourtant un vrai parti pris, mais qui fonctionne parfaitement bien car en symbiose totale avec le récit, à savoir que ce que l’auteur a produit ici n’est rien de moins qu’une ode à la vie, à la beauté et à l’amour. Le lecteur pourra ainsi se délecter de ces illustrations extraordinaires qui sont, au-delà du style contemporain propre à Dori, tout autant de références à Van Gogh, Klimt et aux peintres romantiques du XIXe siècle.

Ainsi, l’auteur italien – dans le cas présent on doit pouvoir dire l’artiste – nous propose, avec ce très beau conte pour lequel il a puisé à pleines mains dans la mythologie grecque, de réenchanter le monde, notre triste monde auquel même Dori parvient à trouver une certaine poésie, quand il représente une banlieue hérissée de tours et de pylônes électriques géants… La couverture à elle seule, parfaite allégorie de notre époque, résume parfaitement le propos : assis devant sa tente Quechua, Eustis, l’ancien dieu-satyre devenu SDF, contemple l’air hagard, une boutanche de gros rouge à la main, l’immensité du ciel étoilé, souvenir résiduel de l’ancien monde, celui de la magie, de la beauté et de l’hédonisme. Ainsi, nous sentons-nous interpelés. Et si les clochards sur lesquels nous, clochards potentiels, préférons détourner le regard, étaient tout simplement des dieux déchus ? Et si pour eux le vin était juste le moyen d’oublier et d’embellir un tant soit peu la laideur qui nous environne et que nous ne voyons plus, ou que nous ne voulons plus voir ?

« Le Dieu vagabond » dégage une vraie beauté malgré quelques tout petits défauts - des regards pas toujours très expressifs par exemple ou des postures un peu balourdes, guère normées « BD » parce que sans doute, cela relève davantage de l’art pictural – Fabrizio expose dans des galeries de peinture… Mais ces « maladresses » sont d’autant plus touchantes qu’on a envie de les oublier, car qui dit œuvre poétique, dit albatros aux ailes trop grandes pour se mouvoir sur une Terre trop ferme, trop fermée. D’autant que le scénario est très bien construit, reste fluide, et que l’humour est aussi là pour empêcher à quiconque toute velléité de tomber dans le sérieux comme on tomberait dans le panneau.

Laissez vous emmener par ce petit chef d’œuvre, laissez infuser les merveilleuses images et la poésie de Fabrizio dans votre subconscient, des images inouïes qui pourraient bien vous aider à étoiler votre vie intérieure et vous accorder la légèreté – tout dépend évidemment de votre capacité à affronter le quotidien, à lutter contre sa pesanteur si puissante qui cloue nombre d’entre nous au sol sans que l’on en soit réellement conscient. « Les mythes sont faits pour être racontés, sans ça, le monde s’appauvrit et meurt. » Cette phrase d’Eustis synthétise à merveille la teneur du projet. Magique, je vous dis !
Eulis, dieu déchu 2 étoiles

Il m'a fallu pas moins de trois séances de lectures pour venir à bout de cet album qui m'a été offert il y a près d'un an déjà. Impossible pour moi de rentrer dans l'histoire de ce satyre condamné à errer dans un monde humain contemporain.
Alcoolique et rêveur, Eustis va devoir accomplir une mission pour le compte d'une déesse comme lui touchée par une sorte de malédiction. Dans sa quête, il va rencontrer plusieurs personnages, humains et demi-dieux.
Le tout est assez laid, incompréhensible, pire, on reste indifférent à tout ce qui peut arriver aux différents personnages et je me suis forcé à terminer cet album.
L'auteur dans cette espèce de conte mythologique transposé dans notre époque, en faisant côtoyer les dieux grecs et les paysages d'aujourd'hui, ne parvient ni à faire rêver, ni à susciter la réflexion.
Une lecture inutile, à éviter sauf à vouloir corrompre cette belle mythologie grecque avec les affres d'une époque qui ne lui sied guère.

Vince92 - Zürich - 46 ans - 13 novembre 2020