Edmond
de Alexis Michalik (Scénario), Léonard Chemineau (Scénario et dessin)

critiqué par Blue Boy, le 12 mai 2019
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Quand la BD déclare sa flamme au théâtre
Paris, 1895. Le jeune Edmond Rostand vivote dans une chambre de bonne avec femme et enfants. Ses pièces laissent le public indifférent, la présence de Sarah Bernard lui évitant seulement les salles vides. Redoutant la concurrence imminente du cinématographe, sa seule obsession est de créer l’œuvre de sa vie, celle qui le rendra riche et célèbre. Et si l’inspiration ne vient pas, qu’à cela ne tienne, il ira la chercher…

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas ici de l’adaptation de la pièce de théâtre d’Edmond Rostand mais de celle d’Alexis Michalik, créée en 2016 et depuis peu transposée au cinéma, laquelle relate la création de « Cyrano de Bergerac » (de quoi se prendre un peu les pieds dans les rideaux…). Si le titre fait référence à son auteur, l’histoire, qui est une biographie, reste centrée sur la période où Edmond Rostand publia sa fameuse pièce.

Ainsi, si l’on apprend pas mal de choses sur le contexte dans lequel Rostand a écrit l’œuvre qui l’a rendue célèbre, la narration est conçue comme une mise en abyme, où la fiction s’entremêle avec la réalité. Dans ce récit, Rostand s’inspire d’anecdotes de sa propre vie pour composer le personnage de Cyrano, ce dernier ayant réellement existé au XVIIe siècle. Le procédé est assez ingénieux bien qu’au final, on puisse s’y perdre à vouloir démêler la part du vrai. Le rythme ignore les temps morts et les textes sont denses, d’une façon logiquement très théâtrale. Mais si en effet on a vraiment le sentiment de lire du théâtre en BD, l’auteur n’a pas oublié de situer le contexte historique, en évoquant des faits d’époque, notamment au début, comme la création du cinématographe qu’Edmond Rostand voyait d’ailleurs comme une menace.

De son joli trait semi-réaliste à l’aquarelle, Léonard Chemineau nous propose quelques reconstitutions bienvenues d’un Paris d’époque où les très animés Grands boulevards ont évidemment la part belle… Car de la vie, il y en a dans cette BD. Les personnages semblent être constamment en mouvement, courent partout, déclament leurs tirades et virevoltent en tous sens, comme sur les planches !

Bien sûr, pour pouvoir apprécier pleinement « Edmond », il conviendrait d’être amateur de théâtre, en particulier dans ce style propre à « Cyrano » mêlant chevaleresque et vaudeville. Savoir si à l’inverse cette BD peut donner l’envie d’aller au théâtre, rien n’est moins sûr, et cela voudrait dire alors que l’hommage de Chemineau est une totale réussite. On n’ira peut-être pas jusque là, mais néanmoins, on est obligé d’admettre que ce dernier s’en sort tout à fait honorablement.