Chroniques de l'île perdue
de Loïc Clément (Scénario), Anne Montel (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 12 mai 2019
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Faut-il se perdre pour mieux se retrouver ?
Sacha et Charlie, deux jeunes frères, font une croisière avec leurs parents. Au plus fort d’une tempête, le bateau sombre et Sacha se réveille seul sur une plage déserte. Celui-ci va vite découvrir que l’île où il a échoué est peuplée de créatures fantasmagoriques. Quant à son cadet Charlie, il sera recueilli par la jeune Rose dans une contrée enneigée où ils devront se défendre contre une horde de loups maléfiques. Les deux frères pourront-ils se retrouver ?

Fidèle à elle-même, la collection Métamorphose nous propose un bel objet éditorial. Une fois encore, les auteurs et leur travail sont superbement mis en valeur. La dessinatrice Anne Montel et le scénariste Loïc Clément n’en sont pas à leur première collaboration, tous deux étant spécialisés dans les livres jeunesse.

Avec ces « Chroniques de l’île perdue », le duo traite des relations complexes qui peuvent exister entre un petit frère et son aîné. Et incontestablement il y a ici comme un petit air de vécu doublé d’une sincérité dans le propos. Pour raconter l’histoire de ces deux frères séparés par une tempête, les auteurs sont allés prospecter dans les recoins les plus enfouis de leur imaginaire poétique débridé, en jouant sur le contraste et les effets de miroir. D’un côté, il y a Sacha, le grand frère, qui se retrouve sur une île tropical accueillante (du moins au début), et de l’autre, Charlie, le petit frère, propulsé dans un univers sombre et hivernal, sous la menace constante de « loups-cauchemars », terrifiantes émanations noires et belliqueuses. Charlie va tenter de survivre dans ce monde hostile sous la protection d’une jeune fille, Rose, la confidente que son frère ainé n’a pas su être... Quant à Sacha, les souvenirs de son jeune frère vont lui revenir à l’esprit, non sans une certaine culpabilité, car en effet, il n’a pas été toujours tendre avec Charlie… Sa culpabilité croissante sera alimentée par les étranges entités peuplant l’île (notamment les trois Moaïs et les Doudous). Au fil de l’histoire, celles-ci se montreront de plus en plus malveillantes et agressives, renforçant chez Sacha le désir croissant de retrouver son frère, qu’il a l’impression d’avoir abandonné…

A l’image du récit, l’univers graphique d’Anne Montel est foisonnant, compensant d’une certaine manière un trait en « pattes-de-mouches » enfantin et schématique, mais on sent chez celle-ci la volonté de bien faire, notamment par une colorisation à l’aquarelle très soignée.

Cette production, qui s’adresse donc au jeune public sans les prendre pour des crétins, est loin d’être inintéressante et pourtant, on ne ressort pas réellement conquis… Cette dernière aurait-elle les défauts de ses qualités ? Si les auteurs ont laissé libre court à leur fantaisie, tant dans la narration que dans le dessin, le lecteur pourrait toutefois ressentir une certaine lassitude vis-à-vis de ce trop-plein visuel et ces circonvolutions scénaristiques qui empèsent le récit, au final trop complexe pour être réellement marquant. L’objet, qui reste tout de même une œuvre très personnelle, aurait mérité un élagage à la fois sur la forme et sur le fond.