Histoire d'Israël
de Michel Abitbol

critiqué par Colen8, le 12 mai 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Une histoire mondiale sans fin
Les fils de cette histoire ont été rendus inextricables bien avant la proclamation de l’Etat d’Israël par Ben Gourion le 14 mai 1948 approuvée le 26 novembre 1947 par la résolution 181 de l’ONU. Michel Abitbol la fait commencer dès les années 1840 et renvoie aux printemps des révolutions européennes de 1848.
- A l’est l’Empire russe secoué par les actions violentes de groupes anarchistes rejoints par de jeunes juifs déclenche en représailles des séries de pogroms responsables de premières vagues d’émigration juive vers l’ouest et les Etats-Unis.
- En Europe la réussite sociale très rapide des juifs ayant acquis une citoyenneté pleine par la Révolution Française, reconnue ensuite par les autres puissances a suscité un sentiment de jalousie et renforcé un antisémitisme nourri de tout temps par l’Eglise catholique.
- Au Proche Orient l’affaiblissement de l’Empire ottoman ébranlé aussi par l’action des britanniques auprès des tribus arabes a suscité des ambitions coloniales sous couvert de protéger les chrétiens d’orient et de remettre la main sur les Lieux saints.
Ce faisant l’assimilation des juifs à leurs pays de résidence faisait craindre aux autorités judaïques une dissolution des 2 000 ans de culture entretenus par les diasporas. Ainsi est né en 1896 le sionisme, mouvement socialiste et laïque créé par le journaliste autrichien Théodore Herzl choqué lui-même par l’affaire Dreyfus en France. Sa double vocation était de servir de refuge aux juifs persécutés et d’entretenir avec la restauration de l’hébreu comme langue commune un foyer culturel en Palestine où vivaient depuis des siècles des juifs, des musulmans et des chrétiens. D’emblée le baron Edmond de Rothschild a soutenu le mouvement en achetant des terres en Palestine pour y installer des colons regroupés en kibboutz. Le premier conflit mondial a changé la donne après la création sur les dépouilles de l’Empire ottoman de la Turquie indépendante et des royaumes arabes du Moyen Orient placés sous mandat de la Grande Bretagne et de la France. Il faut ajouter que :
- Les musulmans de l’Empire ottoman dont les palestiniens se sont rangés du côté de l’Axe.
- Les sionistes engagés aux côtés des alliés se sont sentis encouragés par l’accord franco-britannique Sykes-Picot (1916), suivi de la déclaration publique de Lord Balfour (1917) favorable à un foyer national juif en Palestine, d’autant que l’un des arguments d’avant 1914 parlait d’une terre vide(1).
- La révolution russe (1917) a eu pour conséquence des émigrations juives encore plus massives vers l’ouest contribuant à la montée de l’antisémitisme en Europe.
La résolution de l’ONU n’en était pas moins en contradiction avec le droit international le vote étant intervenu sans consultation des populations locales au moment où les autres pays de la zone, Syrie, Jordanie, Egypte, Irak, Liban se libéraient des mandats imposés après le premier conflit mondial et refusaient de reconnaître le nouvel Etat. Ces mêmes pays envahiront Israël dès le 15 mai 1948 sans succès. La situation de l’intérieur du jeune Etat n’était guère plus brillante, sans ressources pour accueillir en quelques années les centaines de milliers d’immigrants de toutes provenances et complètement démunis pour la grande majorité d’entre eux : rescapés de la Shoah, Europe de l’est, Union soviétique, pays musulmans du Maghreb et du Moyen Orient. C’est l’armée Tsahal qui sera par un long service militaire le creuset de l’intégration des nouveaux arrivants.
Les soixante-dix ans qui ont suivi la proclamation (1948-2018) ont vu le meilleur côtoyer aussi le pire, d’abord sur fond de guerre froide entre les deux blocs jusqu’à l’effondrement soviétique, puis lors d’affrontements directs. Les Arabes au début, les Palestiniens plus tard ont condamné unanimement le sionisme assimilé selon eux à une forme déguisée de l’impérialisme occidental dont ils avaient été les victimes. Sous peine de disparaître les Israéliens ont dû faire face à des successions de guerres préventives (1956, 1967, 1982) ou défensives (1948, 1973), et n’ont jamais hésité à riposter sans état d’âme par des représailles sévères après chaque provocation adverse, et disproportionnées lors des intifada de la bande de Gaza. Les valeurs fondatrices des débuts portées par les Israéliens ashkénazes d’origine européenne majoritairement travaillistes se sont érodées au fil du temps au profit des mouvements conservateurs créés par les partis religieux, rejoints par les séfarades d’origine arabe souffrant de la discrimination politique et sociale des fondateurs.
On a ici un aperçu sommaire de cette histoire dense, minutieusement reconstituée et documentée dans ses dimensions diplomatique, politique, militaire, religieuse, économique, culturelle, sociale. Il montre les contradictions internes à la société israélienne, la contestation grandissante du sionisme originel par les intellectuels des nouvelles générations, les fractures entre les laïques d’obédience travailliste et les ultraorthodoxes des colonies inconditionnels du Grand Israël, les antagonismes entre dirigeants y compris au sein d’un même parti, entre ceux qui ne jurent que par un Etat juif au détriment de la démocratie, et les autres souhaitant voir Israël comme un Etat normalisé en paix durable avec ses voisins quels qu’ils soient. L’épilogue reconnait la réussite exceptionnelle d’Israël, mais l’image du pays et des habitants ne sort pas grandie de l’histoire présentée ici.
(1) Selon l’argument hypocrite partiellement antisémite des britanniques alors qu’elle en comptait déjà 700 000 en 1914.