Des écrivains imaginés
de Cécile Villaumé

critiqué par Débézed, le 30 avril 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Pour ne pas les oublier !
Cécile Villaumé, Bisontine d’origine alors que moi je ne le suis que d’adoption, invite le lecteur à une balade littéraire dans le cimetière des écrivains oubliés (Charles d’Orléans, Antoinette Deshoulières, Manon Roland), en voie d’oubli (Gérard de Nerval, Heinrich von Kleist, Louis Pergaud, Paul Morand, Françoise Dolto), pas encore oubliés car ils figurent encore dans certains manuels scolaires ou sont l’objet d’un véritable culte dans des cercles très restreints (Arthur Conan Doyle, Dostoïevski, Mallarmé, Colette, Proust, Ionesco, Marguerite Dumas). Tous ne sont pas encore dans la fosse commune des écrivains oubliés mais peu sont encore lus par des lecteurs plus attirés par les livres présentés en tête de gondole dans les grandes surfaces.

Cette balade littéraire conduit le lecteur de Charles d’Orléans à Marguerite Duras en suivant l’ordre chronologique des dates de naissance des auteurs présentés. Et pour chaque auteur, Cécile Villaumé a écrit un court texte à la manière de l’auteur, une anecdote marquante de la vie de l’auteur, un événement de son temps qu’il aurait pu commenter, elle fait aussi se rencontrer des personnes qui ne sont peut-être jamais vues, …Une façon de faire revivre ses auteurs qu’on a oubliés un peu trop vite. Et peut-être aussi une opportunité pour remettre sur la feuille une langue qu’on ne sait plus écrire bien qu’on la dise belle. Cécile Villaumé connait bien cette langue dont elle use avec une grande adresse et beaucoup d’élégance, c’est un vrai bonheur de lire ces courts textes, j’ai avalé ce livre d’une traite.

L’imagination déployée par l’auteure pour sortir ces écrivains de l’oubli et la finesse de sa langue ne sont pas les seuls arguments qui ont attaché le livre dans mes mains, m’interdisant de le poser avant d’en avoir épuisé le contenu. J’ai été aussi très attiré par les événements qui se déroulent à Besançon ou dans le département du Doubs, l’auteure doit aimer sa région natale car elle n’a pas été avare en clins d’œil et autres allusions à son endroit. J’ai bien ri quand elle a fait employer Jules Bonnot, un triste sire né dans le Pays de Montbéliard, par Conan Doyle ; j’ai suivi studieusement Mallarmé quand il était professeur là où j’ai été potache ; j’ai été ému quand j’ai lu que von Kleist avait séjourné au fort de Joux comme prisonnier alors que je lisais ce livre à portée d’arbalète du célèbre château et j’ai noté quelques traits d’érudition historique : la rue Poitune n’existe plus, il faut avoir étudié un peu d’histoire locale pour la retrouver aujourd’hui… Toutes ces histoires, tous ces événements, toutes ces anecdotes, tous ces clins d’œil à cette terre qui nous est un peu commune m’ont passionné.

J’ai apprécié aussi l’effort fait par l’auteure pour rester le plus proche possible de la langue de chaque écrivain mis en évidence, c’est un bel exercice de style. J’ai noté également quelques jolis calembours, jeux de mots, aphorismes, j’ai même noté un zeugme bien venu. Je me souviens de ce jeu de mots car, il m’a bien fait rire : « … haschischin carré dans son fauteuil », j’avoue que je n’ai pas essayé de la calculer.

Cécile, il reste suffisamment d’écrivains oubliés qui ne demandent qu’à réapparaître pour le plus grand plaisir de ceux qui, comme moi, aiment notre si belle langue. Alors … la suite au prochain numéro !

Le Dilettante