Les papillons noirs
de Jean-Baptiste Baronian

critiqué par Clarabel, le 18 juin 2004
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Mastic et boule de gomme
"Les papillons noirs" donne l'illusion d'un vieux polar des années 50, Bogart vieillissant, un vieil imper défraîchi sur le dos, et dans le rôle de ce privé un peu manqué, Stevens. Le roman s'ouvre sur un rendez-vous avec une ancienne maîtresse, Diane, qui recherche son mari Franck, disparu depuis treize jours. La femme est inquiète, tente de comprendre ce mystère et charge Stevens de mener une enquête discrète. Les deux anciens amants vont ainsi discuter de toutes les éventualités réservées au sort de Franck, ce mari que Diane avouer détester malgré tout. Stevens et Diane vont de bistro en brasserie parler, éluder, se mémorer un temps qui ne sera plus. Tour à tour, Stevens envisage une escapade amoureuse, un kidnapping, une fuite à l'étranger, un décès accidentel... mais Diane réfute chaque proposition. Progressivement la jeune femme apparaît énigmatique, évasive, soupe-au-lait et amère. Elle fume des cigarettes à la menthe, boit du vin et s'emporte contre la foule, les intempéries et le temps qui ne change pas les gens. Bref, "Les papillons noirs" nous baigne dans un temps ancien, une époque surréaliste, nous balade dans les rues de Bruxelles et nous fait suivre un personnage décadent, désabusé et paumé. L'issue du roman est assez surprenante, après un passage qui frôle la fantasmagorie, et accentue son côté sombre et mystérieux. C'est une lecture captivante, au tempo soutenu, avec un côté suspense lancinant. Un agréable moment en perspective.
La saveur de Baronian 7 étoiles

Baronian est bruxellois, ça se sent, ça se lit, c'est vivant et j'y retrouve la saveur des lieux cités, l'ambiance de cette ville si souvent parcourue. Pas le Bruxelles-capitale ou le refuge des eurocrates, non. Le vrai Bruxelles, le piquant, l'hétéroclite, celui de la Place du jeu de balle, celui qui se prête si bien aux romans atypiques baignés dans une atmosphère quelque peu surréaliste.
Baronian ne déroge pas à la règle avec "Les papillons noirs", pérégrination de deux amants au centre ville, déambulant du Roy d'Espagne au Métropole, sans oublier La Mort subite. Ce Bruxelles qu'on aime et qui sert de décor à ce roman dense et étonnant. Diane et Stevens sont deux personnages étranges, avec de drôles de manies, des âmes en perpétuelle ébullition. Diane intrigue, Stevens tombe dans le panneau. Et vice-versa. Deux héros qu'on suit pas à pas avec une certaine distance, où veulent-ils nous emmener ?
C'est plus qu'un roman, c'est une quête initiatique, une exploration géographique, une découverte spirituelle et une esquisse psychologique, le tout réuni dans cet ouvrage qui joue avec notre mémoire et nos sentiments, qui oblige notre esprit à repousser quelques limites dans le domaine de la crédulité et de la confiance en l'autre.

Sahkti - Genève - 50 ans - 17 février 2006