Ce qui désirait arriver
de Leonardo Padura

critiqué par Alma, le 1 avril 2019
( - - ans)


La note:  étoiles
« on s'embarque dans la machine à remonter le temps»
Au travers de ces 13 nouvelles , c'est toute l'atmosphère d'un Cuba nocturne mélancolique et désabusé qui vous apparaît …...
Vous voilà transporté dans l'ambiance un peu décadente d'un bar enfumé, bercé par la mélodie sensuelle d'une chanteuse de Boléro qu'accompagne un piano, ce boléro dont Padura écrit que le véritable plaisir de l'écouter « ne peut germer que sur les expériences amères de la vie » 
C'est l'heure où, les verres de rhum Carta Blanca aidant, « on s'embarque dans la machine à remonter le temps», où les fantômes du passé vous envahissent, où l'on se raconte à l'oreille compatissante d'un ami, où l'on se confie à une rencontre d'un soir ; c'est aussi l'heure propice à recherche de celui ou celle avec qui on partagera quelques instants de plaisir furtif  « La nuit a été créée pour chasser - la ville est une forêt où se promènent les proies » . Cette nuit se fait parfois tendre …..alors, ce qui désirait arriver arrive , puis disparaît et l'on se prend à espérer son retour …....
Une unité d'atmosphère, certes, mais aucune monotonie en raison d'une variété de personnages attachants aux personnalités et aux destins divers .

Si ce recueil a les charmes des histoires universelles où des anti-héros promènent leur spleen, il est bien sûr, ancré dans la réalité de la vie des habitants de la Havane, et procure ainsi au lecteur européen un éclairage sur la vie quotidienne à Cuba.
Au travers du récit de ces vies médiocres qu'on noie dans l'alcool, on retrouve des allusions à la guerre d'Angola , à ceux qui y sont restés, à ceux qui en sont revenus et qu'on a médaillés , on évoque aussi le travail « volontaire » : ce travail bénévole qu'on imposait pour permettre la réussite des projets politiques, la discrimination envers les Noirs, les pénuries, les coupures de courant intempestives , le Parti.. …....mais ne fait pas disparaître l'attachement à cette île , qu'on a eu parfois envie de quitter mais dont on a toujours rêvé quand on en était éloigné .

L'écriture impressionniste de Leonardo Padura, la tonalité nostalgique de son recueil ont exercé sur moi le même effet envoûtant que celui du boléro interprété par Violeta del Rio sur un des héros « un  pouvoir de séduction lié non seulement au texte et à sa mélodie, mais aussi à une voix et à une façon de chanter »