Un caprice de la nature
de Nadine Gordimer

critiqué par Tistou, le 29 mars 2019
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Une femme au destin d’exception
« Un caprice de la nature » a été écrit en 1987 soit avant la fin de l’apartheid. On peut donc ranger ce roman dans les œuvres dénonçant cet état de fait, luttant contre cette politique inhumaine et injustifiable. Pourtant, "Un caprice de la nature » est d’abord l’histoire d’une vie, de la vie exceptionnelle d’une femme exceptionnelle.
Hillela est la fille, blanche (la précision est d’importance puisque nous sommes en Afrique du Sud sous apartheid), de Ruth et Len. Ces deux-là se sont séparés. Len s’est un temps occupé d’Hillela mais très vite celle-ci a été prise en charge par les deux sœurs de Ruth (les tantes d’Hillela), Olga puis Pauline. Autant Ruth, la mère d’Hillela a l’humeur vagabonde et n’a pas hésité à quitter sa fille pour suivre un improbable amant, autant Olga comme Pauline sont des femmes, des mères, plus solides, chacune dans leur genre.
Olga qui la prend d’abord ponctuellement en charge (et qui prend aussi sa pension en charge), pendant les vacances scolaires, est une riche bourgeoise, très conventionnelle. Pauline (et Joe son mari), qui va très vite récupérer Hillela pour l’éduquer en même temps que ses propres enfants (Carole et Alexander), a une conscience abolitionniste marquée et se montre active, à son niveau, pour lutter contre l’apartheid. Mais Hillela va démontrer très vite une grande indépendance d’esprit et de mœurs. Elle ne va pas hésiter à séduire son cousin germain, Alexander, et devoir quitter de ce fait le cocon de Pauline et Joe.
Commence alors le gros du roman : les tribulations d’Hillela, à l’instar de celles des opposants à l’apartheid, à travers l’Afrique, l’Europe, les Etats-Unis, au gré de séductions diverses, de convictions sans concessions, et son destin s’agissant d’une sud-africaine blanche, s’avèrera tout sauf prévisible.
Bien sûr, la ligne directrice du roman est celle que je viens de résumer, mais la chair du roman, la philosophie que fait passer Nadine Gordimer, tourne toujours autour des maux de cette Afrique du Sud sous apartheid, de ses relations avec les autres Etats africains, notamment ses voisins proches, la politique internationale de pays européens, de l’Ouest comme de l’Est, et des Etats-Unis vis-à-vis de l’Afrique du Sud de l’époque. On constate au passage que Nadine Gordimer semble avoir une bonne connaissance d’autres Etats africains et que les relations de ceux-ci avec l’Afrique du Sud pouvaient être plus complexes qu’envisagé.
L’histoire d’Hillela que nous raconte Nadine Gordimer est d’une grande originalité et la manière dont elle enrichit la fiction de ses connaissances humaines et géopolitiques est un véritable délice.