Les chars meurent aussi
de Marie-Renée Lavoie

critiqué par Libris québécis, le 21 mars 2019
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
On ne fait que passer
Les critiques des chroniqueurs sont élogieuses, mais ma voix sera discordante. C’est moins un roman qu’un scénario écrit en langage populaire. Traduction obligatoire pour le reste de la francophonie. Heureusement, quand l’auteure passe en mode narration, le récit revêt une tenue littéraire respectable.

Cette nouvelle œuvre de Marie-Renée Lavoie renoue avec la dynamique qui animait La Petite et le Vieux, un premier roman racontant joliment l’histoire d’une fillette qui s’était attachée à un vieillard abandonné, dont elle voulait embellir la fin prochaine avec son argent gagné comme camelot. La mort n’est jamais loin avec cette auteure. Et ce qui compte pour elle, c’est l’amour d’autrui qui doit remplir le temps entre le début et la fin de l’existence.

Dans la même veine, nous retrouvons Laurie, une lycéenne aimante qui prend sous son aile une fillette négligée par ses parents. En guise de remerciement, cette dernière échange ses poux avec sa protectrice. Mais la mère de l’héroïne compte plus d’un tour dans son sac pour abréger la vie des bestioles qu n’ont que des démangeaisons à offrir en partage.

Le partage est justement la part essentielle de l’œuvre. De sa mère, Laurie hérite de l'amour de la lecture. Chacun de ses romans indique dans la page de garde le nombre d’heures qu’il faut pour le lire. C’est très important quand on travaille dans une guérite pour percevoir l’argent donnant accès au parking. Il ne faut pas choisir un roman qui se lit trop vite. Le mari aimant et accommodant a aménagé pour sa femme un milieu de travail plus confortable. La vie est belle avec cet homme attentionné qui travaille dans un garage. C’est un bizouneux (bricoleur) hors pair. En visitant les cours à scrap (casse automobile), il peut y trouver des pièces pour reconstituer une auto déglinguée. C’est ainsi que Laurie acquiert un Pony (modèle Ford) qui l’obligera à de nombreuses réparations si elle veut se rendre au lycée en sécurité et au restaurant où elle est serveuse. Belle famille qui s’entraide. De même pour les mécaniciens qui voient au fonctionnement approximatif de son char (auto). Mais les chars meurent aussi, nous informe le titre. En attendant, ils sont bien utiles.

Le volet amoureux est moins intéressant. Laurie est courtisée par un garçon de la Haute-Ville de Québec où habitent les bien-nantis. Comme elle vit dans la Basse-Ville, réservée aux plus pauvres, il va de soi que son entrée dans le monde bien argenté est mal vu. Assez pour fuir une fête qui y est organisée quand elle sent que le clivage social la désavantage. L’amour peut-il anéantir la différence ?

Tous les ingrédients romanesques sont réunis pour donner un bon roman. Mais ça ressemble plus à une macédoine dont il est difficle de savoir ce qui la compose. Et cette manie de n’avoir recours qu’à des pronoms pour identifier les personnages obscurcit une trame déjà mystérieuse. Reste l’amour de ses semblables. C’est déjà quelque chose. L’épilogue, par contre, est fort émouvant en nous rappelant que l’on ne fait que passer, comme le chantait Gilbert Bécaud. En attendant, soyons des amis de passage.