Le coeur blanc
de Catherine Poulain

critiqué par Marvic, le 12 mars 2019
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
Les saisonniers
Rosalinde est saisonnière en Provence. Des activités physiques dures, entourée d’hommes souvent étrangers. Traités comme des bêtes, courbés, harcelés, par des patrons souvent odieux, insultés.
Asperges, lavande, olives, vendanges, tilleul (peut-être la plus confortable de toutes les récoltes).
Au milieu de tous ces hommes, avec sa chevelure rousse, sa peau blanche, ses cuisses fines, elle est souvent un objet de convoitise. Mais elle sait se défendre et choisit celui avec lequel elle a besoin d’une relation charnelle et sexuelle aussi brutale que le milieu dans lequel elle vit.

Au fil des embauches, elle croise Mounia, Moune, l’algérienne de cœur. Séduite elle aussi par l’étrange Rosa, la fille du Nord.
Une relation en devenir, une évasion à deux dont rêve Mounia, loin de cet univers d’hommes, d’alcool, de drogues.

On retrouve le personnage (autobiographique) de la femme confrontée à un environnement hostile et masculin. Ce ne sont plus les conditions extrêmes de la pêche dans le grand Nord, mais le personnage est trop identique pour qu’on ait le plaisir de la découverte, cette attente de la suite, cette envie de comprendre le pourquoi de la situation, ce qui fait qu’elle est là, dans un endroit où elle n’a pas sa place, à s’infliger des travaux douloureux et à continuer encore et encore.
Un peu déçue donc par ce second roman trop proche du précédent.
"Des invendables qu'on balance dans le cageot ! " 10 étoiles

Catherine Poulain (1960- ) est une écrivaine française.
"Le Grand Marin"(2016) - son premier roman - a rencontré un très grand succès et fut couronné de nombreux prix.
"Le coeur blanc" paraît en 2018 (Editions de l'Olivier)

"Voilà comment j'ai connu Rosalinde. Elle avait l'air nue au fond du bar, nue et seule au milieu des hommes. Tout à coup ses cheveux, c'était un casque de feu avec ses yeux clairs au-dessous, d'une teinte indéfinissable, couleur de mer du Nord j'ai pensé, ses paupières et ses cernes de brume pâle, son air inquiet, sa solitude, et au fond, derrière le silence, une colère, la liberté ? "
"Rosalinde, c'est Lilith, la soeur d'Eve,son contraire aussi, celle qui a refusé la fatalité et la tyrannie des hommes."

"Je suis Mounia l'impatiente, la fille du harki qui cherche sa terre, celle qui court sous le soleil."
"Mounia l'infatigable, Mounia l'ardente. Je suis Mounia l'été."

Rosalinde, Mounia, Acacio le libertaire, le Gitan, Césario et tant d'autres personnages à fleur de peau.
Le monde des saisonniers, employés à la tâche pour effectuer des travaux agricoles harassants et sous payés.
"Nous on est bons qu'à travailler et errer dans les rues, et boire dans les bistrots."
"La terre, sa pesanteur, notre fatigue, et le chagrin de n'être qu'acteurs sous le grand théâtre du ciel, de n'avoir pas choisi la pièce, de n'en être jamais l'auteur, de piètres figurants réutilisés chaque année."
"Les fruits d'une race increvable, la mauvaise herbe qui ne meurt jamais et très vite il n'y paraît plus."
"Les purs, les durs, les crados et les rebelles, français, espagnols portugais, hollandais, anglais ou belges... fils de paysans, d'ouvriers, fils de bourgeois ou fils de rien, enfants de la route ou de l'errance."
"Un peuple efflanqué et dépenaillé."

Un roman magistral qui sent le soleil brûlant, la sueur, l'alcool mauvais, le désir des hommes, la fierté et la liberté revendiquée des femmes.
Des personnages blessés par leur passé, leurs origines, leurs conditions...
Le prix à payer pour revendiquer sa Liberté est terrible mais c'est leur seule fortune !
Une oeuvre singulière, immense, qui renvoie au "Soleil des Scorta " ...
Un incroyable moment de lecture !

Frunny - PARIS - 58 ans - 19 septembre 2020