Dix poèmes + six
de Ernest Hemingway

critiqué par Septularisen, le 21 février 2019
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«Et le vers amoureux, ils doivent bien avoir fini quelque part».
«L’INEXPRIMABLE» (mars 1917)

Quand les insectes de juin faisaient des cercles
Autour de l’arc électrique au coin de la rue
Et faisaient des ombres régulières sur le sol ;
Quand tu te promenais pieds nus
Dans la lumière sombre et chaude de juin
Là où la rosée de l’herbe fraîche baignait tes pieds –

Quand tu as entendu un banjo sonnant
Sous le porche de l’autre côté de la route,
Et quand tu as senti l’odeur des lilas dans le parc
Il y avait quelque chose qui luttait en toi
Que tu ne pouvais exprimer par des mots –
Tu vivais vraiment la poésie dans le noir !

«Three Stories and Then Poems» est le tout premier ouvrage d’Ernest HEMINGWAY (1899-1961) publié à Paris en 1923 (où il vivait à ce moment-là), par les Éditions Contact.

Si les poèmes qui le composent ne sont pas d’une grande qualité artistique, ils sont intéressants en ce qu’ils contiennent déjà les germes des premiers romans de l’auteur américain, «Le soleil se lève aussi» et «L’adieu aux armes», qui suivront quelques années après...

Ce sont des poèmes courts, concis, précis, ironiques et audacieux, écrits par un très jeune auteur (17 ans pour les premiers, 24 ans pour les derniers), en devenir qui se cherche encore, malgré une grande efficacité déjà présente. On y retrouve, déjà, quelques-uns des thèmes préférés d’HEMINGWAY, la guerre, la bohème, la ville de Paris, la nature, l’Amérique, l’amitié, les femmes, le travail, la jeunesse, la chasse, la pêche, la mort…

On y perçoit aussi d’ailleurs l’influence conjointe de Gertrude STEIN (1874-1946) et d’Ezra POUND (1885-1972), sur son style, influence que l’on retrouvera ensuite aussi dans les récits de l’auteur. C’est très concentré, très dépouillé, pour ne pas dire laconique et lapidaire! HEMINGWAY fait celui qui a tout vu et tout vécu! Il est vrai qu’à ce moment-là, il a déjà vécu une Guerre Mondiale et frôlé plusieurs fois la mort de très très près!

Encore une fois, ce petit recueil de poèmes s’adresse avant tout aux amateurs de poésie et n’a certainement pas une valeur artistique très élevée, mais il est intéressant dans ce sens qu’il nous permet de découvrir «HEMINGWAY avant HEMINGWAY», et donc vaut le coup d’être lu rien que pour cela!

«MONTPARNASSE»

Il n’y a jamais de suicide dans le quartier parmi les gens que l’on connaît
Aucun suicide réussi.
Un jeune Chinois se tue et il est mort.
(on continue à déposer son courrier dans son casier au Dôme)
Un jeune Norvégien se tue et il est mort
(personne ne sait où l’autre jeune Norvégien est parti)
On trouve un modèle mort
seule au lit et bien morte.
(ça a causé des ennuis presque insupportables à la concierge)
Huile d’olive, le blanc d’œuf, moutarde et eau, mousse de savon
et lavages d’estomac sauvent les gens que l’on connaît.
Chaque après-midi, les gens que l’on connaît peuvent se retrouver au café.